Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Météorique rédacteur en chef d'une émission culturelle quotidienne. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi (même si des fois ça tombe le mardi ou le mercredi) désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.
Ce soir, mardi, Ligue des Champions. TF1. Je regarde l'om se qualifier en perdant 2-1 à Milan.
Et je jubile.
J'ai toujours souhaité la défaite des sudistes. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, j'aime quand les bleus et blancs baissent la tête et regagnent le vestiaire la honte à peine dissimulée. Et ces dernières semaines en championnat m'ont comblé.
Mais là, donc, jubilation. J'applaudis même.
La bande à Deschamps sautille de joie en direct pendant que Lizarazu vante les mérites de Brandao (l'équivalent brésilien de DSK), buteur providentiel.
Et je me marre dans mon salon.
Pourquoi ?
1 : Parce que marseille vient de gagner le droit de disputer deux autres matches dans un calendrier déjà surchargé. Je prie pour que vendredi, jour du tirage, Barcelone sorte du chapeau. Ils finiront la saison en béquilles, tous, les phocéens. La langue pendante et les espoirs piétinés. Hâte.
2 : Parce que je devine que Deschamps, après son épopée monégasque, rêve de la gagner, la LDC. La frustration Porto le brûle encore. À cette heure, il calcule dans le vide, se dit que si la chance lui sourit, il arrivera peut-être en demie et là, qui sait ? Guardiola ricane déjà.
3 : Mandanda, idiot, concède à la dernière seconde un pénalty qui ne sert à rien. Mais qui le prive certainement du prochain tour. Champagne ! Son aigreur, ses yeux humides en gros plan sur ma télé, sa rage aussi probablement me suffisent.
4 : Je pense aux supporters sudistes. Après leur satisfaction légitime, vont-ils oser se poser la bonne question ? Vont-ils enfin comprendre que leur équipe se moque de tout, sauf de la LDC ? Autant dire qu'elle les prend pour des cons, tous. Demain, en juin, très vite, les joueurs partiront (car l'om ne pourra pas terminer sur le podium) et l'Europe se conjuguera au passé, sans accent.
5 : marseille n'a pas battu l'Inter de Milan. Seuls les maillots étaient authentiques. Je crois que Dijon aurait eu sa chance aujourd'hui. Même lyon.
Il ne faut alors plus se demander pourquoi l'émission Confessions Intimes offre une place de choix aux marseillais (ainsi qu'aux Cht'is mais c'est une autre histoire) dans ses sujets. Cette soirée de football a tout éclairé.
Sinon, cette semaine, sur un site dédié à Marc Édouard Nabe (peut-être même son site officiel), un anonyme me traite d'enculé. Il m'accuse aussi d'être, en gros, un petit soldat du grand Grégory Protche (qui, par manque de courage, m'aurait mandaté pour dézinguer le récent ouvrage du nain grincheux). Bien sûr, je m'en moque. Les mots ne peuvent pas me détruire. Juste pour voir, j'envoie un mail à l'intéressé, lui proposant de nous rencontrer pour discuter entre hommes. Un duel comme ça, en passant, comme avant, à six heures du matin, dans un square, rive droite de préférence. Mais pas de réponse. Pourtant, j'ai laissé mon mail. Étrange. Et puis je comprends. Les chiennes de Nabe sont comme sa prose : castrées. Elles aboient, ricanent mais filent à la niche au premier pas en avant du Maître. Je vais donc ici m'adresser directement à Marc Édouard, vu que son petit sergent reste silencieux et n'a pas daigné signer (ah, autant il est aisé de baisouiller des fans aveuglées et d'impressionner des journalistes mais les couilles, ça ne peut malheureusement pas se commander sur Ebay...).
Cher Marc Édouard,
Je ne vous encule pas. De vous lire me suffit.
J'ai adoré vos journaux intimes. Une quinzaine de vos ouvrages en fait. Et je chie sur vos deux derniers produits (achetés, hein, pas reçus en service de presse) qui ne sont que des bégaiements d'un enfant perdu et trop gâté (il y a bien sûr, je l'ai d'ailleurs écrit, des pages valables mais pas de quoi non plus torcher un éléphant). Vous le savez. Évidence. Vous êtes vieux désormais et c'est normal que le confort l'emporte sur le talent. Je comprends. Je comprends aussi qu'il doit être frustrant de ne pas parvenir à pondre enfin un roman digne de ce nom (alors que, pauvre vaniteux, vos journaux intimes suffisaient). Mais il serait dommage que vous finissiez en plus catalogué comme peureux (ou peut-être que vous n'aboyez depuis trente ans qu'à cause de cette trouille qui vous ronge les tripes ?).
Alors, contactez moi qu'on règle cette petite histoire rapidement. Vous qui êtes allé à Bagdad sous les bombes (rires), à Apostrophes déguisé en Rebatet (l'acné en plus), vous ne pouvez que relever le défi, non ?
Je vous vouvoie. Mes parents, eux, m'ont bien élevé. Ils ne jouaient pas de jazz et n'ont pas voulu m'offrir une existence de patachon pleurnichard. Mais ils m'ont appris l'honneur. Marc Édouard, réduisez les distances, ouvrez la porte de la vie, la vraie, celle qui oblige à assumer ce que l'on est, ce que l'on dit. Votre plume est molle aujourd'hui, elle tapine en boîtant alors qu'avant, elle assassinait les yeux dans les yeux. Je suis le premier à le pleurer. Serai-je également le premier à vous faire courir ?
Dernière chose. Je ne sais rien de votre ancienne relation avec Grégory Protche. Il m'offre juste la possibilité d'écrire ce que je veux chaque semaine sur le site du Gri-Gri et j'en profite d'ailleurs pour l'en remercier. Il ne m'a jamais demandé de taper sur votre livre, il a mieux à faire, tout de même ! Vos méthodes ne sont pas les nôtres. Voilà votre problème : vous aimez vous inventer des ennemis alors que vous n'avez enfanté que des déçus. Et si jamais cette lettre devait mourir sans réponse, un chèque de 70 euros (en gros, le montant de mes deux derniers achats nabiens, frais de port compris) à mon ordre suffira à clore ce chapitre ridicule. Avec cette somme, j'achèterai sept fois le livre de Protche sur la Côte d'Ivoire, qui vient de sortir. Et je l'offrirai à mes amis. Oui, amis, un mot qui n'a jamais appartenu à votre vocabulaire. Vous avez toujours préféré les courtisans.
Bien à vous.
Jérôme Reijasse
PS : on écoute le premier album de ROVER, un mec qui ressemble à Beethoven et qui dessine de jolis cauchemars.