"Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris", s'exclamait Lysistrata, l'héroïne éponyme de la comédie d'Aristophane. Il faut dire qu'Athènes et Sparte étaient en guerre. Dernièrement, les femmes kenyanes se sont inspirées de cette comédie pour décréter elles aussi une grève du sexe, afin d'inciter les dirigeants à plus de réformes. Au Gabon, en revanche, ce ne sont pas les femmes qui envisagent une grève du sexe. Non. L'initiative vient d'un homme. Samuel Ntoutoume Ndzeng. "Le Constitutionaliste". Et, semble-t-il, Président du Mouvement de Libération des Gabonais. Dans une lettre adressée aux rédactions de Libreville, il promet que les hommes entreront dans une grève du sexe si un homme est élu dimanche. "Nous dormirons avec nos habits", a-t-il dit. Et d'ajouter : "Le pouvoir doit revenir aux femmes."
En accessoires, il exige le report de l'élection présidentielle et, très vite, une nouvelle Constitution - l'actuelle, taillée sur mesure pour feu Omar Bongo, ne favorise que le candidat du parti majoritaire, puisqu'à tour unique.
Il faut rendre grâce à Samuel Ntoutoume : il est loin d'être un thuriféraire. D'ailleurs, qui flatterait-il ? Les trois femmes candidates à l'élection de dimanche n'ont aucune chance de l'emporter. La présidente par intérim, Rose Rogombé, le sait. Mais Samuel Ntoutoune oublie une chose : Libreville est une ville libre. Chacun fait ce qu'il veut. On y boit à volonté ; on y danse nuit et jour, etc. Les Gabonais suivront-ils la grève la plus difficile qui soit ?
Et puis, Si Samuel Ntoutoume dort avec ses habits, pour montrer à sa femme qu'il est un homme de conviction, rien ne garantit qu'il n'ira pas, le lendemain, chez sa maîtresse - dans la mesure où il en aurait une. Ou chez la vendeuse du plaisir charnel - les prostituées n'accepteront pas cette initiative : leur chiffre d'affaires en pâtirait. S'il le faut, elles iront traquer les clients jusqu'à chez eux. Yves de Saint-Agnès, l'auteur d'une Révolution sexuelle, s'inscrira lui aussi en faux contre cette éventuelle grève : "Il faut apprendre aux gens à se servir de leur sexe comme de la cuillère et de la fourchette", écrit-il.
Trêve de plaisanterie, les Gabonaises et Gabonais n'ont pas besoin de cette diversion. Ils attendent de leurs sommités, aussi facétieuses soient-elles, des idées nouvelles. Si le voeu de Samuel Ntoutoume est noble (encore que rien ne garantit qu'une femme à la tête du pays améliorerait plus la vie des citoyens qu'un homme), le moyen de pression est inefficace. Cet inconnu célèbre, s'il a un peu de temps, devrait re-visiter Woody Allen: "Le sexe apaise les tensions."
Bedel Baouna