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Le Gri-Gri International           Satirique africain francophone

Né au Gabon en 2001

Les Mémoires de Madame Dovi, confessions d'une sorcière Vodu

Publié le 3 Août 2011 par Gri-Gri International,Princess Erika in Le feuilleton littéraire de Princess Erika


Les mémoires de Madame Dovi, confessions d’une sorcière vodu, par Princess Erika

 

Tous les Africains sont des sorciers, c’est connu. Moi-même, le prénom « africain » que m’a donné mon père signifie : sorcière protectrice de la tribu. Mon grand père maternel, chef de village, était, pour ce faire, initié selon la tradition. Quand ma grand-mère, par dépit amoureux, a voulu se venger en allant voir un sorcier, le sort s’est retourné contre elle. C’est ce qu’on dit d’elle à la concession (ensemble de cases dans lequel vit une famille élargie, ndlr), pour expliquer sa décision d’abandonner ses enfants, de ne plus adresser la parole à quiconque sauf à celle qui l’avait supplantée et de ne plus jamais remettre un pied dans la case de son mari. Elle a tenu parole. Alors avec tout ça je comprends parfaitement de quoi parle Tanti Dovi, l’héroïne de Adri Nyakpekpe. Entre tradition et commerce son cœur ne balance pas et l’alliance des deux fait des merveilles. Là encore, nous nous comprenons, Tanti et moi.

 

Elle, c’est une « Nana Benz », ces femmes qui sévissent dans la vente de tissus avec beaucoup de réussite. Ce qui leur donne un goût sulfureux et pas mal de problèmes liés aux jalousies qu’elles inspirent. Elles ont des réseaux très puissants qui  s’étendent du Ghana au Bénin en passant par le Nigeria et Lomé (théâtre du livre). Sponsorisées par les Hollandais, les Nanas Benz sont riches, grandes et opulentes. Mais ce premier samedi, (il y en aura 7 et c’est tout ce que vous saurez), Madame Dovi décide d’aller se confesser au Fada (un pasteur). Ça aussi ça m’a parlé, le pidgin oral écrit…

 

Alors évidemment, la confession implique de se mettre à nu sans conséquence et de révéler ainsi les secrets les plus intimes et les projets les plus sombres. Je  m’attendais donc à une série d’actes criminels et d’empoisonnements convenus dans ce genre de récit. Mais que non… Encore un point commun entre Dovi et moi, nous sommes d’abord les filles de nos mères : elles nous apprennent tout, on ne remet jamais en cause ce qu’elles nous infligent souvent par devoir, et dans le cas précis de Tanti Dovi par nécessité, on le transmet à nos propres filles. Par chance je n’ai que des garçons. J’ai peut-être aussi fait leur malheur comme Tanti pense qu’elle a fait celui de sa fille… mais sans qu’ils aient à gober de serpent.

 

Élever une vipère en son sein, oui je connais, mais élever un serpent dans son bas-ventre, c’est manifestement plus rentable et ludique. Ben oui, parce que ce qui nourrit le serpent et qu’il transforme en billet vert quand on le sollicite (enfin ne nous emballons pas ce n’est que du cfa), c’est le sperme ! Le liquide… D’ailleurs l’homme n’est qu’un pisseur de spermatozoïdes pour le Fada. Pour Da-do (c’est elle aussi), qui aime les rapports sexuels et son mari, mais ne peut renoncer à l’argent, même une fois sa mère morte, perpétuer le rituel en l’apprenant à sa fille n’est pas un choix. Le problème du spermatozoïde, c’est qu’il transporte en lui toute l’énergie créatrice de l’homme. Donc quand il atterrit dans la gueule du serpent, l’homme s’en trouve totalement démuni. Et quand il s’en rend compte, il ne veut plus baiser sa femme !!!


Là, nous différons légèrement elle et moi. J’ai souvent entretenu les hommes avec qui je vivais, à croire que mon ventre engloutissait leur énergie créatrice d’argent, mais ils n’ont pas ressenti le besoin comme Hermann (mari de Tanti) d’arrêter de me baiser pour pouvoir prospérer d’eux-mêmes, ni de me quitter. J’ai souvent dû les mettre dehors… Mais Hermann, lui, a sa fierté… d’Africain sans doute…

Comme le secret ancestral se transmet selon un rite bien particulier, je ne résiste pas à l’envie de vous citer un petit passage : « Ma mère m’invita à la rejoindre dans le lit. Elle me demanda de m’accroupir en mettant ma bouche au niveau de son sexe. J’obéis. Elle me demanda de rester dans cette position et de m’allonger pour attraper l’amulette qui sortait de son sexe. Au moment de l’avaler, ma mère me souffla fort dans le sexe. »  J’ai cru un bref instant que je relisais Push de Saphire et ses scènes incestueuses…

Mais ici, nous parlons d’entreprise familiale, d’un système matriarcal poussé à l’extrême. Même s’il faut avaler des couleuvres pour qu’il fleurisse à  jamais. Comme je l’ai dit, quand elles prennent conscience de leur cote boursière, les couilles molles se rebellent, elles ne baisent plus et veulent travailler pour leur propre compte. Il faut trouver des palliatifs. Le gendre est une valeur qu’on chouchoute de mère en fille à condition qu’il reste docile et coopérant. Dans toutes les familles on peut retrouver ce système de mesure, les magouilles que la belle maman, éternelle insatisfaite, n’hésite pas à suggérer à sa fille pour que cette dernière obtienne le liquide précieux. Et quand ce n’est plus le cas, quand on a épuisé mari et gendre il reste la vengeance…

 

Princess Erika


Les Mémoires de Madame Dovi, confessions d'une sorcière Vodu est un roman écrit par Adri Nyalpekpe et paru aux éditions Anibwe
Librairie Anibwe : 52, rue Greneta 75002 PARIS

Tél./Fax : 01 45 08 48 33