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Le Gri-Gri International

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#Hommage / Amath Dansokho, figure majeure de la gauche sénégalaise et africaine, par Marc de Miramon

Publié par Marc de Miramon, Gri-Gri International sur 12 Septembre 2019, 05:31am

Catégories : #Hommage, #Francophonie, #Sénégal

Nelson Mandela et Amath Dansokho

Ministre du gouvernement de Macky Sall, l'ancien révolutionnaire et communiste de toujours a marqué de son empreinte la vie politique du Sénégal comme celle du continent africain.

 

Février 2012 : appuyé sur sa canne, Amath Dansokho s'avance dans l'une des innombrables manifestations organisées par la société civile et l'opposition politique, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle. « Mandela ! C'est Mandela ! », l'interpelle parfois un passant. Figure historique de la gauche sénégalaise et africaine, l'homme né le 13 janvier 1937 à Kédougou livre alors l'un de ses derniers combats, maintenir l'union de l'opposition pour « chasser le monstre », comme il le scande lui-même dans les meetings, qualificatif qui désigne le président sortant Abdoulaye Wade, dont la dérive despotique et affairiste jettera un voile sombre sur ses deux mandats (2000-20012). Amath Dansokho a pourtant largement contribué à le porter au pouvoir, dans l'espoir d'un changement (« sopi », en wolof) positif. C'est dans son appartement du quartier de Mermoz que l'opposition, communiste, socialiste ou libérale, a su taire ses divergences et trouver le chemin d'un front commun, afin de tourner la page de l'ère Abdou Diouf, héritier du « système » issu des indépendances. Tout le monde au Sénégal parlait à Amath Dansokho, le « monstre » Abdoulaye Wade lui-même venait sans rancune lui présenter ses respects à l'hôpital...

 

« Nous l'appelons Mandela parce qu'il est, pour nous Sénégalais, à ce niveau là », disait de lui l'actuel président Macky Sall, qui l'avait élevé au rang de ministre d'Etat. Mais Amath Dansokho, accaparé par des problèmes de santé, s'était progressivement mis en retrait de la vie politique sénégalaise. Son verbe intransigeant manquait, ces derniers mois, pour porter haut la voix d'un communiste de toujours, incorruptible comme étranger à toute forme de dogmatisme. « Je ne suis pas un révolutionnaire d'occasion. Mes convictions, je les ai construites patiemment », déclarait-il en mars 2012, dans une passionnante émission de RFI consacrée à la jeunesse du vieux sage, qui a dédié sa vie à l'idéal de fraternité et de démocratie dans son pays.

Son premier modèle se nomme Léopold Sédar Senghor, écrivain, poète, et père d'une indépendance certes en trompe l'oeil mais dont il admire le « savoir exceptionnel ». Adolescent, la lecture de « Fils du peuple » de Maurice Thorez oriente son parcours intellectuel vers un communisme de combat, il se passionne pour la Révolution française, les figures de Robespierre ou de Saint-Just...

 

Militant du PAI (Parti Africain de l'Indépendance) en 1959, il va chercher un arsenal livré par le FLN algérien, avec l'aide de Franz Fanon, à Conakry, capitale de la Guinée voisine de Sekou Touré, bête noire de la France gaulliste et de Jacques Foccart. L'indépendance, la vraie, doit se conquérir les armes à la main, pense-t-il. La tentative d'insurrection se déroule à Saint-Louis, la grande ville du nord où il a choisi d'être enterré, puis le PAI est interdit, Amath Dansokho prend le chemin de l'exil. Hors de son pays, il participe alors à l'aventure de la Tricontinentale, part à Cuba pour se former à la guérilla, se lie d'amitié avec Josephine Baker. Avec l'appui, cette fois, des Cubains et de Che Guevara, il monte une nouvelle opération pour exporter la révolution au Sénégal de Senghor, depuis le Mali de Modibo Keita, où le PAI a établi sa base arrière. Mais Bamako finit par normaliser ses relations avec Dakar, et les révolutionnaires sénégalais doivent encore changer d'air.

 

Si Amath Dansokho avait renoncé à la lutte armée, son retour à la légalité politique, grâce à l'ouverture progressive au multipartisme, n'a cédé à aucune compromission, agissant en aiguillon de l'intérêt général. Président d'honneur du Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT) qu'il avait cofondé, défenseur infatigable des travailleurs et des opprimés, il était un visiteur et un acteur assidu de la Fête de l'Humanité, son « bain de jouvence annuel ». « Amath Dansokho a été de tous les combats pour l'indépendance, la démocratie, la justice, le progrès social et la paix dans son pays, en Afrique et dans le monde entier », insiste le PCF dans un communiqué.

Sa dimension politique dépassait en effet largement les frontières du Sénégal, comme en témoignent ses nombreuses missions de médiation à l'échelle d'un continent ravagé par les guerres et les conflits, de même que ses amitiés profondes avec le président guinéen Alpha Condé ou avec l'ancien chef d'Etat ivoirien Laurent Gbagbo, forgées dans l'exil, les séjours en prison et l'opposition. 

 

Marc de Miramon

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