Initialement paru sur le site de l'IVERIS
La dégradation sécuritaire au Mali est préoccupante. Pour le seul mois de janvier 2018, selon le chef d’Etat-major malien, au moins 80 personnes, dont 29 militaires ont été tuées dans des attaques terroristes. L’assaut contre le camp militaire de Soumpi, le 27 janvier dernier, revendiqué par le Groupe de Soutien de l’Islam et des Musulmans (JNIM), marque incontestablement un tournant dans cette guerre de basse intensité. Les conflits sont toujours générés par de multiples causes. Cet article, analyse seulement les facteurs internes au Mali et détaille et les événements militaires survenus depuis 2006 - date qui marque le début des tensions sécuritaires - qui ont conduit à la situation actuelle.
La genèse
Dès la fin des années 1990, avec l’installation du GSPC algérien, dont la branche malienne était dirigée par Moctar Ben Moctar, le Nord du pays est devenu un sanctuaire des groupes salafistes. Mais, c’est à partir du 23 mai 2006 et l’attaque, par les troupes du chef de guerre touareg, Iyad Ag Ghaly, des garnisons de Ménaka, Kidal et Tessalit que le Mali est plongé dans une situation sécuritaire précaire. En 2007, Moctar Ben Moctar crée al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). La même année deux autres personnages entrent en scène, l’émir Abou Zeid qui s’allie à Aqmi et Abdoul Karim, touareg de la tribu des Ifhogas, qui lui rejoint Iyad Ag Ghaly.
Cette attaque contre les garnisons de l’armée malienne dans le Nord a créé une crise politique et militaire qui a été théoriquement réglée par les accords d’Alger signés en août 2006. Mais ces accords ne furent jamais appliqués par les gouvernements successifs du Président Amadou Toumani Touré, (ATT), jusqu’à la chute de ce dernier en 2012. Ainsi près de 2000 militaires touaregs, qui avaient collaboré avec Iyad Ghaly, sont restés cantonnés à Kidal et n’ont pas été redéployés dans les unités mixtes de sécurité, comme cela était prévu dans les textes paraphés à Alger.
Au lieu de chercher la négociation et la concorde, ATT a adopté une stratégie de la tension en essayant d’affaiblir les Ifoghas, principaux acteurs du soulèvement de 2006. Pour se faire, il a fait appel au général Elhadji Gamou, de la tribu des Imghads, ennemi intime de Iyad Ghaly et de ses cadres militaires [1]. A la tête des bataillons de l’armée malienne, avec pour mission d’écraser les Ifoghas, le Général s’est adjoint des supplétifs de sa communauté, les Imghads, qui n’étaient pas des militaires. En agissant ainsi, sa mission a pris l’allure d’un acte de vengeance : Imghads contre Ifoghas ; les premiers étant soutenus par l’Etat malien, bénéficiant ainsi des hommes de l’armée malienne et d’un appui logistique.
Rappelons qu’une dizaine d’années plus tôt, en 1993-1994, le Président Alpha Oumar Konaré avait, lui, largement appuyé le Mouvement Populaire de l’Azawad (MPA), dirigé à l’époque par Iyad Ghaly, pour l’aider à défaire l’ARLA (Imghads) [2].
La guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011 est donc intervenue dans ce contexte déjà hautement volatile. La rapide dégradation de la situation libyenne a engendré un retour massif de Touaregs maliens, enrôlés dans l’armée de Kadhafi, des hommes très bien équipés en armement lourd de dernière génération.
Ce retour massif de combattants aguerris, ajoutés aux militaires touaregs toujours cantonnés à Kidal suite aux accords d’Alger de 2006, a créé un rapport de force largement défavorable à l’armée malienne dans la perspective d’une confrontation avec les Touaregs.
Du conflit ouvert de 2012 à l’intervention française de janvier 2013
Au début du mois de novembre 2011, est créé le Mouvement National de l’Azawad (MNLA) qui réclame l’indépendance du Nord du Mali, appelé Azawad. En réalité, ce mouvement est né de la fusion d’une association d’étudiants touaregs dénommée MNA (Mouvement National de l’Azawad) et d’une branche armée constituée des combattants armés de feu Ibrahim Ag Bahanga, disparu dans un accident de voiture en août 2011. Annoncé comme laïc, le MNLA, bénéficie de la sympathie, sinon de l’appui, d’une grande partie de la classe politique et de la presse françaises.
A la même époque, Iyad Ag Ghaly, déjà marqué comme étant un cadre important du mouvement salafiste, tente de mettre sur pied un mouvement dénommé MILA (Mouvement Islamique pour la Libération de l’Azawad) ; mais devant le peu d’intérêt suscité, cette initiative reste lettre morte.
Le 17 janvier 2012, le MNLA déclenche des attaques contre l’armée malienne à Ménaka et Aguelok donnant ainsi le top départ d’un conflit qui aboutit, suite à la lourde défaite de l’armée malienne, à l’occupation des trois régions du Nord du Mali.
Yiad Ghaly change alors de stratégie. Il récupère les "cantonnés" de Kidal et une partie des "Libyens", puis, il dirige une grande partie des opérations contre l’armée malienne et laisse le MNLA les revendiquer. Il se manifeste pour la première fois au début du mois de mars 2012, avec la prise de la garnison d’Amachach (Tessalit), dont en chef de guerre averti, il mesurait la valeur stratégique et la portée symbolique.
Fin mars-début avril 2012, l’armée malienne ne tient plus aucune position dans le Nord du pays : Tombouctou, Gao, Kidal sont tombés très vite.
Dans la foulée, les salafistes qui avaient participé aux combats et qui étaient les plus organisés, supplantent le MNLA et le chasse de son fief. Ainsi les katibas de Abou Zeid et d'Abdoul Karim aident à la structuration du nouveau mouvement créé par Iyad Ag Ghaly sous le nom d’Ansardine.
La katiba de Moctar Ben Moctar, elle, renforce le Mouvement pour l’Unicité et la Justice en Afrique de l’Ouest (MUJAO).
Afin d’éviter la mise en concurrence et les possibles frictions, les mouvements salafistes du Nord du Mali se répartissent les territoires. Au MUJAO est laissée l’ancienne région de Gao (y compris Menaka) et le cercle de Douentza. Quant à Ansardine, il assure le contrôle des régions de Kidal et de Tombouctou. Ensemble, ces deux groupes armés se chargent d’en finir avec les quelques poches restantes du MNLA : Menaka est repris par le MUJAO et Léré par Ansardine.
La mutinerie contre le régime d’ATT en mars 2012 entraîne la mobilisation de la communauté internationale autour du Mali pour lui permettre de retrouver la légalité constitutionnelle et son intégrité territoriale. Des arrangements sont trouvés sous l’égide de la CEDEAO pour la mise en place d’institutions de transition qui devaient permettre de rétablir la légalité constitutionnelle en organisant des élections dans des délais brefs. Le gouvernement de transition, avec à sa tête Cheick Modibo Diarra, n’a jamais songé à prendre contact avec les différents groupes armés. Les quelques rares tentatives de discussions avec les différents mouvements ont valu à leurs auteurs d’être soupçonnés d’intelligence avec l’ennemi. Ce fut le cas, par exemple, pour les missions conduites par le Haut Conseil Islamique et par celle du Docteur Oumar Mariko.
En décembre 2012, le gouvernement de Cheick Modibo Diarra est démis et remplacé par un gouvernement dirigé par Diango Sissoko. Ce gouvernement s’était fixé deux tâches prioritaires : la reconquête des régions du Nord et l’organisation de l’élection présidentielle. Une nouvelle fois, l’option du dialogue politique passe à la trappe, pour conquérir la paix, seule l’intervention militaire est envisagée.
En septembre 2012, des groupes importants de jeunes peuls rejoignent les rangs d’Ansardine à Tombouctou sous la conduite d’Amadou Barry dit Amadou Kouffa, un prédicateur connu de la région de Mopti qui s’est allié à Iyad Ag Ghaly. Ces groupes reçoivent une formation militaire à Tombouctou et dans les environs sous la direction des lieutenants d’Iyad Ag Ghaly et sous sa supervision personnelle.
Dans le même temps, de son côté, le MUJAO enrôle des Peuls du Niger, de Gao et surtout de la zone du Haïré, zone de Douentza et des environs.
Cette connexion entre les prédicateurs peuls et les salafistes touaregs, algériens et autres, est déterminante dans la détérioration de la situation sécuritaire dans le Centre du Mali.
L’attaque de Konna en janvier 2013 par des troupes conduites par Iyad Ag Ghaly, en personne, procède de la volonté de montrer à la composante peule d’Ansardine qu’à terme le Macina serait aussi une terre de Jihad. Avec le recul, il est certain que cette action avait pour seul but de susciter une adhésion massive de la communauté peule. Pour preuve, le premier groupe, qui a attaqué Konna à bord du bus SONEF, était composé essentiellement de Peuls de la région. C’est une stratégie de rupture classique opérée par les mouvements salafistes : les enfants de la zone sont toujours envoyés en première ligne. Ainsi, s’il y a des morts, cela suscitera de la colère et donc des ralliements ; s’il y a une victoire, elle sera célébrée par les leurs.
L’intervention Serval, par sa promptitude et le nombre de soldats mobilisés, ne peut en aucun cas avoir été improvisée pour faire face à la situation d’urgence née de l’attaque de Konna. Il s’agit donc d’une opération militaire pensée et planifiée mais dont le soubassement politique n’a pas été mûri.
Dans le sillage de Serval, le redéploiement de l’armée malienne est accompagné d’exactions sur les populations civiles de Mopti, Sévaré ou encore dans les régions de Tombouctou et Gao. Pour éviter d’autres drames, les autorités françaises ne permettent pas à l’armée malienne d’entrer dans Kidal. Une position qui n’a pas été comprise par les dirigeants de Bamako et par l’opinion publique. Pour nombre de Maliens, la force Serval passe donc du statut de sauveur à celui d’occupant.
La date de l’élection présidentielle est fixée par François Hollande qui ne respecte pas la souveraineté du Mali et déclare qu’il sera intransigeant sur le respect de cette date. La France pousse pour mettre en œuvre l’arrangement pris lors des accords de Ouagadougou de juin 2013 afin que les urnes et les bureaux de vote de Kidal soient filmés et ainsi entériner l’idée que l’élection présidentielle, du 11 août 2013, s’est déroulée de manière transparente sur l’ensemble du territoire. Les bégaiements et autres hésitations des politiques français sont très vite perçus comme un signe de faiblesse par le nouveau Président Ibrahim Boubakar Keïta (IBK) et son entourage. Ils en font une surexploitation et en profite pour renier tous les engagements pris. Ils optent pour une politique de fermeté vis-à-vis des groupes armés et de tout ce qui peut y être assimilé.
La France, et avec elle les Nations Unies qu’elle a entraînées dans la crise malienne, se retrouvent prises en otages par les nouveaux maîtres de Bamako qui ne souhaitent pas régler ce conflit autrement que par les armes.
La force Serval, qui avait obligé les mouvements armés à rester cantonnés en tirant systématiquement sur tout convoi non identifié de plus de cinq véhicules, commence à desserrer l’étau. Les groupes armés renaissent et s’enhardissent, les armes stockées ressortent de leurs cachettes, les véhicules sont remis en état et les groupes réoccupent leurs positions connues et identifiées.
C’est dans ce contexte qu’intervient la visite du Premier ministre, Moussa Mara, à Kidal le 17 mai 2014. Les responsables politiques et militaires décident de profiter de cette visite pour régler la question de Kidal. D’importants renforts militaires sont acheminés et les troupes d’élite du général Gamou et du régiment des commandos parachutistes positionnées.
A cette date, le MNLA et le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), un autre groupe politico-militaire, tiennent un congrès à Kidal et y ont également positionné d’importants renforts militaires.
L’arrivée de Moussa Mara, donne lieu à une importante manifestation à l’aéroport organisée par le MNLA. Cette manifestation est réprimée par les forces de l’ordre. Le MNLA réplique et attaque la délégation du Premier ministre en réunion au gouvernorat de Kidal, plusieurs civils trouvent la mort, dont des administrateurs de la région.
En toute hâte, le Premier ministre et sa délégation sont exfiltrés du gouvernorat. Leur retour à Bamako dès le lendemain, donne lieu à des rassemblements de soutiens où des déclarations haineuses, promettant de venger les morts, sont prononcées. Le mot « guerre » est employé à maintes reprises.
Deux jours plus tard, le 21 mai, l‘armée malienne attaque les positions des groupes armés qui, entre temps, se sont coalisés. Des combats d’une rare violence se terminent par une défaite de l’armée malienne et l’abandon par celles-ci de toutes ses positions dans la région de Kidal.
Dans une adresse solennelle et pour la première fois, IBK décrète un cessez-le-feu immédiat et demande que des pourparlers soient engagés.
Avec les évènements de Kidal, le Président malien et son gouvernement comprennent que la communauté internationale n’est plus prête à les suivre dans n’importe quelle aventure. Cependant, ils restent convaincus que seule l’option militaire est viable. Ils initient alors l’émergence d’un nouveau groupe armé, né des cendres des bataillons du général Gamou, le GATIA (Groupe Auto Défense Touareg Imghad et Alliés) dont le rôle consiste à continuer la lutte armée, par procuration, à la place de l’armée malienne afin d’assurer la prise de Kidal par la force.
Le GATIA, pourtant signataire des accords d’Alger en juin 2015, ne désarme pas, au contraire, il intensifie sa lutte contre les Ifoghas de Kidal. La pression est si forte que certaines communautés se désolidarisent des Ifoghas afin d’échapper à la colère des troupes du général Gamou. Seule sa défaite militaire, en août 2017, contraint IBK et ses proches à abandonner l’idée d’une conquête de Kidal par la force. Du moins dans l’immédiat…
Le centre du Mali : une insurrection politico-religieuse
L’ attaque de Konna, en janvier 2013, met en lumière pour la première fois les connexions entre les éléments peuls du centre du Mali et les groupes djihadistes d’Ansardine et du MUJAO. Le nom d’Amadou Kouffa est cité comme étant à la tête du commando ayant attaqué l’armée malienne à bord du bus de la SONEF.
Après cette attaque, le prédicateur est donné pour mort et les nombreux cadres politico-militaires de Bamako en profitent pour ne donner aucun crédit aux informations faisant état d’une insurrection politico-religieuse dirigée par Amadou Kouffa.
En mars 2014, les cadres politiques et militaires de la région de Mopti, adossés à des associations de défense de la culture peule, aident à armer de jeunes peuls pour sécuriser la transhumance des troupeaux dans la zone exondée.
Certains cadres politiques de Bamako, d’origine peule, plaident ouvertement pour une réunification de toutes les milices dites d’autodéfense en les fédérant autour du général Gamou pour qu’il mène le combat que l’armée ne peut pas mener légalement en présence des forces internationales.
Passées les premières heures de la traque par Serval, Iyad Ag Ghali et son cercle le plus proche se réorganisent et réactivent les filières de recrutement ouvertes à Tombouctou en 2012 ; des dizaines de jeunes étaient partis dans l’Adrar pour y recevoir une formation militaire.
Les premiers retours de l’Adrar sont signalés à la fin 2014. Ils s’essaiment dans la région proche de la forêt de Wagadou et dans une moindre mesure dans le Mema.
La présence des éléments djihadistes originaires du centre du Mali est révélée par l’attaque en janvier 2015 du camp militaire de Nampala, une attaque revendiquée par la katiba Ansardine du Macina.
Face à une situation tout à fait nouvelle, le gouvernement malien préfère pratiquer la politique de l’autruche en insinuant que la katiba Ansardine n’existe pas. Il s’agirait de manipulations diaboliques des mouvements touaregs qui chercheraient ainsi à faire une diversion.
Le mouvement dirigé par Amadou Kouffa est un mouvement d’essence religieuse, mais avec des revendications politiques très pointues. Il exige la fin des mauvais traitements infligés aux populations par les représentants de l’Etat (juges, préfets, gendarmes, douaniers, agents des eaux et forêts, etc.) et lutte contre la mainmise de l’élite peule sur les ressources naturelles du Macina (le bourgou).
Au début de son existence, le mouvement a surtout recruté au sein des groupes peuls dits marginaux, c’est-à-dire ceux qui ne font pas partie de l’aristocratie du Macina : Boiri dans le Nampalari, Djoki et autres.
La multiplication des attaques contre les positions de l’armée dans le centre du pays, l’usage des mines contre les convois de l’armée malienne exacerbent les tensions et l’armée se venge en commettant des exactions, notamment des exécutions extrajudiciaires, contre les populations locales peules accusées de complicité avec les terroristes.
Ce comportement jette une grande partie des jeunes dans les bras des recruteurs d’Amadou Kouffa. Ainsi, les zones de Dogo, Diallobé, le Fariméké, le Kareri, etc. sont devenues ses places fortes.
Les groupes djihadistes ont beaucoup appris des erreurs de 2012 ; Ils se présentent comme les défenseurs des faibles et les redresseurs des injustices. Ils s’attaquent essentiellement aux symboles de l’Etat et éliminent systématiquement tous les agents publics identifiés comme « véreux » dans les zones qu’ils occupent.
Ils mènent une lutte contre le banditisme et la criminalité dans les zones qu’ils contrôlent, celles-ci étant les plus sûres actuellement pour les populations. Par exemple, des groupes de bandits écumaient l’axe Tombouctou-Goundam et l’installation d’un poste de l’armée malienne à Acharane (mi-chemin entre Goundam et Tombouctou) n’y a pas mis fin. Un groupe djihadiste dirigé par Abou Talghar, chef d'Aqmi dans le nord de Tombouctou, a adressé des mises en garde aux bandits, procédé à des arrestations, parfois à des exécutions. Depuis, aucun bandit n’a été signalé sur cet axe qui est redevenu sûr !
L’axe Niono-Léré était aussi infesté de bandits qui braquaient les véhicules et enlevaient les troupeaux. Depuis l’installation des brigades de la katiba du Macina en 2016, cet axe est sécurisé.
Le 29 janvier dernier, des groupes de djihadistes en motos et en véhicules ont sillonné la région du Gourma en lançant des tracts mettant en garde les bandits et les voleurs et indiquant qu’ils s’engageaient à mettre fin au banditisme dans la zone. Cette action a été relativement bien accueillie par les populations exténuées par des brigandages quotidiens suivis d’exhortions, de vols et même de meurtres.
Le postulat qui veut que l’insurrection politico-islamiste du centre du Mali soit animée essentiellement par les Peuls est faux. Les groupes armés qui y sévissent réunissent plusieurs groupes ethniques : Peuls, Touaregs, Arabes et aussi des djihadistes venus d’autres contrées d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Voir la situation du centre du Mali comme un problème simplement sécuritaire et vouloir la résoudre de manière exclusivement militaire est une erreur et même une faute. Après avoir perdu la confrontation avec Serval, les groupes armés salafistes ont regagné du terrain par l’exemplarité et ont su exploiter les défaillances, sinon l’arrogance, de l’Etat central. La sur-militarisation actuelle de cette région est contre-productive et porteuse de germes de dislocation du pays.
L’ accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger : état des lieux.
L' accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger de juin 2015, a été signé par trois parties. Le Gouvernement malien, la coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la plateforme (GATIA).
Le processus de paix au Mali est pris en otage par les parties signataires :
Le gouvernement malien :
IBK et son entourage n’ont jamais cru au dialogue, ils ne s’imaginent pas régler la crise actuelle autrement que par la force militaire qui consacrerait leur revanche sur les divers revers subis de 2013 à nos jours. Leur stratégie consiste à gagner le maximum de temps en jouant sur l’affaiblissement progressif des groupes armés et à terme leur délitement. Dans cette logique, l’atomisation des groupes armés, surtout ceux de la CMA, a été suscité et entretenu par les proches du Président. Cette atomisation a provoqué une grande confusion et une multiplication des acteurs, noyant les véritables revendications ou les délégitimant. Les slogans autour de la montée en puissance de l’armée nationale, l’exhibition des équipements militaires lors des cérémonies populaires, procèdent de la propagande pour préparer les populations à une longue guerre d’usure. La page GATIA tournée, le gouvernement se livre à une véritable apologie du G5 Sahel, laissant espérer au peuple qu’il s’agit là de la solution à tous les problèmes sécuritaires. Cette fuite en avant permanente du régime actuel, sa volonté de créer la confusion en armant des milices dites d’autodéfense (Kareri, Kigari, pays Dogon) risque de provoquer la destruction de la nation.
Les groupes armés :
Les groupes armés existent par le simple fait qu’ils détiennent des armes ; par conséquent, leur seule voie pour compter dans des négociations se mesure à leur capacité de nuisance. Les chefs politico-militaires sont peu pressés de revenir à une normalité qui serait synonyme de leur dissolution. Le cas particulier du MNLA mérite que l’on s’y arrête : ce mouvement n’a jamais réellement renoncé à son idée d’un Azawad indépendant. Il s’agit pour lui de mettre en exergue la mauvaise foi des autorités maliennes dans l’application de l’accord pour aboutir à la conclusion que la seule issue viable à ce conflit est l’indépendance de l’Azawad.
Le Mali se retrouve pris en otage. Il est urgent que le garant de l’unité nationale, le Président de la République, adopte un ton conciliant, appelle au dialogue et condamne toutes les exactions commises à l'encontre les populations civiles d’où qu’elles viennent. Le discours martial, le refus de proposer une alternative aux jeunes enrôlés par les groupes islamistes sont des fautes politiques graves qui contribuent à la dégradation de la situation sécuritaire.
Yehia Ag Mohamed Ali
Dans un prochain article, l’IVERIS, analysera les conséquences des ingérences extérieures dans la crise malienne.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_r%C3%A9volutionnaire_de_lib%C3%A9ration_de_l%27Azawad
[2] http://tuaregs.free.fr/touareg_f/pages/dossiers/mouvements/arla.htm