Deux extrait de Mon Paris, ma mémoire
À partir de 12-13 ans, je cherchais le contact d’une croupe féminine qui souvent ne réagissait pas, parce que condamnée à l’immobilité. L’érection survenait et je demeurais dans une volupté mystique et muette qui se déchirait brutalement quand l’adorable croupe se dégageait pour sortir, ou que moi-même devais m’en arracher pour descendre à la station Anvers. Je ne sais si je l’ai déjà mentionné, mais j’en ai fini par perdre un bouton de braguette, qui longtemps ne fut pas remplacé, car je n’osais en parler à mon père et n’avait personne pour le recoudre.
À partir de seize ans je m’enhardissais parfois à glisser ma main sur la croupe émouvante et commençais à caresser. Je m’arrêtais s’il y avait un sursaut de répulsion, continuais si pas de réaction. Parfois, j’entrevoyais un profil féminin qui décuplait mon émotion. Plus tard encore, il m’est arrivé de descendre de la rame avec une de mes caressées et de lui adresser la parole. Mais les quelques mots que je lui bredouillais pour exprimer mon trouble avaient tôt fait de dissiper le charme de part et d’autre. C’est très rarement que j’ai pu entamer une relation par une rencontre dans le métro.
J’empruntais donc le métro matin et soir. Je prenais le matin le métro à la station Ménilmontant, direction Porte-Dauphine, pour me rendre au lycée, et rentrais le soir par la station Anvers, direction Nation. À l’aube, les wagons étaient bondés. Il fallait souvent pousser et savoir s’infiltrer pour y pénétrer. On y était serrés comme des sardines. Parfois, le hasard, que je provoquais quelque peu, me plaquait tout contre une croupe émouvante. C’est plus tard, quand j’eus dix-sept-dix-huit ans, que j’osais parfois caresser un bel oméga qui provoquait en moi le frisson cosmique. Si la croupe ne se rebellait pas, nous restions, le temps de quelques stations, en communion sidérale, jusqu’à ce que l’un des deux corps s’arrache à l’autre, arrivé à destination.