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Le Gri-Gri International

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#LecturesComparées / Camille Mortenol, fils d’esclave, polytechnicien, officier de marine et défenseur de Paris (#Opex360 #ClaudeRibbe #UneAutreHistoire)

Publié par Gri-Gri International Opex 360 Claude Ribbe sur 5 Décembre 2016, 02:25am

Catégories : #Dom-Tom - Caraïbes & Amériques, #Francophonie, #Devoir d'histoire

Passant en revue un très informé site relatif aux questions militaires, à l’armée et aux soldats français en particulier, Opex 360, en date du 11 novembre dernier, on pouvait lire le solide et circonstancié récit du parcours de Camille Mortenol.

Creusant le sujet, on tombe vite sur le portrait que fait de Camille Mortenol l’essayiste Claude Ribbe, sur le site Une autre histoire, dont il est l’initiateur.

Eclairages, focus et conclusions différentes, logique.

Il nous a néanmoins semblé profitable de vous proposer ces deux présentations sans autre forme de commentaire.

 

Sur Opex 360

Camille Mortenol, un fils d’esclave devenu officier de marine et défenseur de Paris

Sous l’impusion de Victor Schoelcher, la IIe République adopta, le 27 avril 1848, un décret abolissant l’esclavage. Et, ainsi, près de 250.000 esclaves antillais, guyanais et réunionais, devinrent des citoyens à part entière.

En Guadeloupe, un dénommé « André » n’avait pas eu à attendre l’application de ce décret puisqu’il avait été « affranchi » un an plus tôt par un arrêté du gouverneur de l’île et adopta « Mortenol » comme patronyme. Et, en novembre 1859, son épouse, Julienne, lui donna un fils, qu’il baptisa Sosthène Héliodore Camille.

Élève de l’école communale tenue par les Frères de Ploërmel, le jeune garçon montra très tôt de grandes facilités intellectuelles, en particulier dans le domaine des mathématiques. Et il fut ainsi remarqué par Victor Schoelcher, qui fit jouer de ses relations pour lui obtenir une bourse pour lui permettre de continuer ses études au lycée Montaigne à Bordeaux. Là, Camille Mortenol obtint son baccalauréat ès Sciences et prépara le concours d’entrée à l’École Polytechnique, où il fut reçu en 1880. Il y fut en effet accueilli par ses camarades avec cette cote :

« Si tu es nègre, nous sommes blancs ; à chacun sa couleur et qui pourrait dire quelle est la meilleure? Si même la tienne valait moins, tu n’en aurais que plus de mérite à entrer dans la première École du monde, à ce qu’on dit. Tu peux être assuré d’avoir toutes les sympathies de tes ans. Nous t’avons coté parce que l’admission d’un noir à l’X ne s’était jamais vue ; mais nous ne songeons pas à te tourner en ridicule ; nous ne voyons en toi qu’un bon camarade auquel nous sommes heureux de serrer la main. »

Premier élève de couleur noire de Polytechnique, Camille Mortenol se distingua par ses résultats : il en sortit classé 18e sur 205. Sa scolarité à l’X terminée, il choisit de faire carrière dans la Marine, pourtant très élitiste et aristocratique à cette époque. Ce choix s’explique probablement par le métier de son père, qui était maître voilier.

Devenu officier de marine, Camille Mortenol participa à « pacification » de Madgascar, où il fut repéré par le général Galliéni. En 1895, grâce à ses faits d’armes, il fut fait chevalier de la Légion d’Honneur. Par la suite, il prit part à de nombreuses autres campagnes militaires, dont à l’expédition de l’Ogowé, au Gabon, en 1901. Puis, entre deux missions, il obtint son brevet de torpilleur, domaine dans lequel il distinguera particulièrement.

Mais si la République française ne regardait pas les origines et la couleur de ceux qui la servaient, il n’en allait pas forcément ainsi dans d’autres pays à l’époque. Lors d’une escale, dans un port étranger, du navire sur lequel il était commandant en second, il ne fut pas invité à une réception par les autorités locales… Le « pacha » du vaisseau français prétexta alors un malaise pour permettre à Camille Mortenol de prendre la tête de la délégation française…

À partir de 1904, promu capitaine de frégate, Camille Mortenol servit plusieurs fois en Extrême-Orient. Il prit même le commandement, trois ans plus tard, de la 2e flottille des torpilleurs des mers de Chine méridionale et orientale.

Puis vint la Première Guerre Mondiale. En 1915, le capitaine de vaisseau Mortenol compte alors 34 années de service, dont 26 passées en mer. En poste à Brest, il fut alors appelé par le général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, pour organiser la défense contre aéronefs (DCA) de la capitale. Mission qu’il accomplira avec succès.

Le dispositif qu’il mit en place s’appuya notamment sur l’installation de projecteurs de grande puissance afin de pouvoir déceler la présence d’aeronefs ennemis, ainsi que sur des unités de « tireurs d’infanterie » et d’artilleurs, mettant en oeuvre des canons de 47 et de 75. L’idée maîtresse était alors d’assurer une surveillance relativement éloignée du camp retranché de Paris afin de prendre au plus vite les mesures nécessaires pour neutraliser les dirigeables Zeppelin et autres avions allemands dès leur signalement.

Le 21 mars 1915, ces moyens permirent de déjouer une tentative de raid allemand sur Paris. Le général Galliéni écrivit : « L’attaque a permis de constater le bon fonctionnement de la défense contre aéronefs… Le système des postes de guet, transmissions téléphoniques,…a donné son plein rendement. Les projecteurs ont constamment tenu sous leurs feux les objectifs aériens… L’artillerie a ouvert le feu sitôt l’ennemi en vue mais les difficultés de réglage n’ont pas permis de donner au tir toute l’efficacité désirable. Les escadrilles, volant de nuit, on fait preuve de hardiesse… Le Général de division, GMP, adresse ses félicitations à tout le personnel de la DCA et du Service de l‘Aéronautique… et appelle l’attention sur la nécessité de perfectionner et d’améliorer le tir et d’obtenir plus de rapidité dans la manœuvre. »

En 1917, atteint par la limite d’âge de son grade, le capitaine de vaisseau Mortenol est maintenu dans ses fonctions, mais avec les galons de colonel d’artillerie de réserve. La guerre terminée, il prit sa retraite définitive en 1919 et fut fait commandeur de la Légion d’Honneur un an plus tard, avec cette citation : « Officier supérieur du plus grand mérite, à son poste jour et nuit pour veiller sur Paris, assure ses fonctions avec un rare dévouement et une compétence éclairée. »

L’on pourrait déplorer que Camille Mortenol n’ait pas pu terminer sa longue et riche carrière avec les étoiles d’amiral. Mais cette perspective ne pouvait pas être envisagée à l’époque, étant donné qu’il n’avait jamais pris le commandement d’un navire dit de premier rang. Viscéralement attaché aux valeurs de la République, il eut la tentation, pendant un temps, d’avoir des activités politiques. Il s’éteindra le 22 décembre 1930, à Paris.

Sur Une autre histoire

 

Le futur commandant Mortenol est né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) en 1859 dans une famille pauvre. Son père, esclave né en Afrique, n’avait été affranchi que onze ans plus tôt.

Brillant élève au séminaire-collège diocésain de Basse-Terre,  Camille Mortenol est remarqué par Victor Schoelcher qui lui obtient une bourse afin de poursuivre des études secondaires à Bordeaux, au lycée Montaigne.

En 1880, Camille Mortenol est facilement reçu à l’École polytechnique. C’est l’un des premiers Antillais (après Perrinon) à entrer dans cette école.

Une légende veut que le président Mac-Mahon, connu pour ses gaffes, ait visité l’école. Ayant demandé à voir le « nègre » (ainsi nomme-t-on le meilleur élève de la promotion), on lui aurait désigné Mortenol. Et Mac-Mahon, embarrassé, aurait lancé : « Ah, c’est vous le nègre ? Eh bien continuez ! »

Si l’anecdote est vraie – ce qui reste à démontrer- il serait difficile que cette visite ait pu avoir lieu alors que Mac Mahon était président de la République puisque, ayant démissionné en 1879, il avait été remplacé par Jules Grévy au moment où Mortenol était élève à Polytechnique.

Sorti de Polytechnique en 1882, Mortenol choisit de faire carrière comme officier de Marine.

De ce fait, dans un contexte d’expansion coloniale,  Mortenol, en 1894, sous les ordres de Galliéni, participe à la conquête de Madagascar où il se heurte à une résistance inattendue de l’armée malgache. Il intervient également au Gabon et en Extrême-Orient.

Au moment où la Grande guerre se déclenche, Mortenol, malgré sa qualité de polytechnicien et plus de 30 ans de services, est toujours capitaine de vaisseau (un grade équivalent à celui de colonel dans l’armée de Terre). Polytechnicien et toujours colonel à l’âge de 54 ans, alors qu’il aurait dû être amiral depuis longtemps.

Comment expliquer cet avancement médiocre : le préjugé de couleur ou un comportement trop favorable aux indigènes qu’aurait pu avoir Mortenol à l’occasion de ses campagnes coloniales ? Peut-être les deux.

En 1915, Galliéni, gouverneur militaire de Paris, fait appel à Mortenol, qu’il avait eu sous ses ordres à Madagascar, et lui confie la défense antiaérienne de Paris.

Dans ces fonctions, installant des projecteurs de forte puissance, Mortenol joua un rôle essentiel pour contenir les raids de bombardement aérien allemands qui avaient commencé sur la capitale dès l’été 1914 et qui auraient pu se développer dangereusement avec les progrès de l’aéronautique.

Mortenol prit sa retraite à la fin de la guerre avec le grade de colonel d’artillerie de réserve.

La dernière partie de sa vie, moins connue, n’est pas sans intérêt, car il semble que Mortenol, jusqu’à sa mort, en 1930, ait profité des loisirs que lui procurait sa retraite pour s’impliquer très activement dans les mouvements antiracistes, voire anticolonialistes, qui se développèrent à Paris pendant l’entre-deux-guerres, notamment autour de Lamine Senghor.

On peut expliquer ce revirement ou cette radicalisation, même si Mortenol resta toujours assimilationniste, par une prise de conscience tardive du rôle qu’il avait joué dans l’expansion coloniale de la Troisième république et peut-être aussi par le constat que sa carrière avait certainement été freinée par les préjugés racistes d’une hiérarchie qui ne lui a pas permis d’accéder au grade d’amiral auquel il pouvait légitimement prétendre.

Il repose au cimetière de Vaugirard, division 5, au n°320 de la rue Lecourbe à Paris. 

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