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Le Gri-Gri International

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Quand Serge Aurier à nouveau sévit, il est temps de relire François de Negroni ! (#BadBoy #PSG)

Publié par Gri-Gri International François de Negroni sur 30 Mai 2016, 13:13pm

Catégories : #Côte d'Ivoire - Élections 2010, #Francophonie, #Sports

Quand Serge Aurier à nouveau sévit, il est temps de relire François de Negroni ! (#BadBoy #PSG)

1) Les faits, tels que rapportés ce jour par notre confrère http://www.afrique-sur7.fr/

Côte d’Ivoire : après l’affaire Périscope, Serge Aurier placé en garde à vue pour injures à des policiers

Serge Aurier vient de s’illustrer, une fois de plus, de la plus mauvaise des manières. L’international ivoirien a encore injurié des policiers, ce lundi 30 mai, alors qu’il sortait d’une boite de nuit en compagnie de certains de ses copains. Cet acte d’incivisme a valu à Aurier d’être placé en garde à vue, apprend-on de L’Équipe.

Serge Aurier, un bad boy incorrigible ?

Les frasques à répétition de Serge Aurier viennent contraster avec ses performances sur un terrain de football. En effet, le latéral droit du Paris Saint-Germain (PSG) a proféré des paroles injurieuses à l’encontre des éléments de la Brigade anti-criminalité (BAC) qui étaient pourtant en patrouille. Cette altercation intervient au moment où le joueur sortait d’une virée nocturne en boite de nuit parisienne avec ses compagnons. Cet outrage aux forces de l’ordre lui a valu d’être aussitôt placé en garde à vue dans un commissariat du 8e arrondissement.

Cet autre épisode intervient après l’affaire très médiatisée de Périscope où le Champion d’Afrique en titre a tenu des propos irrévérencieux vis-à-vis de son entraineur Laurent Blancainsi que certains de ses coéquipiers du PSG. De même, de passage en sélection nationale des Éléphants lors des 3e et 4e journées de l’éliminatoire de la coupe d’Afrique 2017, le fils de Gbizié Léon y a encore fait montre de ses attitudes de « bad boy ». Tous ces agissements commencent à inquiéter plus d’un aussi bien en Europe que dans son pays natal, la Côte d’Ivoire.

Ces épisodes malheureux interviennent au moment où le FC Barcelone est en train de pister le joueur pour remplacer Dani Alves, annoncé sur le départ pour la saison prochaine.

Tous ces comportements n’auront-ils pas une incidence sur la carrière du meilleur latéral droit du championnat français de la saison 2015-2016 ?

2) Le texte de François de Negroni sur la figure du Bad boy

SOURCE

Initialement paru à 10h53 le 05 oct. 2014, sous le titre
LE « BAD BOY » ET LA CONVERSION CONTRE-REVOLUTIONNAIRE DE L’HISTORIOGRAPHIE SPORTIVE

Un rappel, d’abord : l’émergence du sport moderne en Grande-Bretagne, à la fin du 19°siècle, correspond à une urgence hygiénique à la fois physiologique et sociale. Il s’agit de juguler deux fléaux. L’exercice physique est supposé harasser suffisamment les jeunes pensionnaires bien nés des public schools pour éradiquer chez eux l’habitude ravageuse de la masturbation. La compétition est censée offrir une activité et un spectacle dominicaux qui détournent et canalisent la violence potentielle extrême de la classe ouvrière anglaise. Une élite saine. Des masses hébétées et dépolitisées. La première puissance capitaliste planétaire montre la voie.


Pendant longtemps, les clubs restent étanches. Bourgeois et prolétaires ne s’affrontent pas sur les gazons. Il faudra la nationalisation (puis la mondialisation) des championnats, la démocratisation progressive de certaines pratiques, et, enfin, le professionnalisme, pour introduire et généraliser la mixité. Naissent dès lors, en opposition aux gentlemen (les Kubler, Beckenbauer, Federer…) deux figures complémentaires du « mauvais garçon » qui vont traverser l’histoire du sport.


D’un côté, il y a l’enfant gâté et terrible de la bourgeoisie. Je demande un WASP de la middle class new-yorkaise. J’obtiens John McEnroe. Le gamin mal élevé, boudeur, colérique, capricieux, mauvais perdant. De l’autre, bien plus commun, l’enfant frustré et révolté d’un quartier populaire. Je demande un fils d’ouvrier espagnol immigré à Marseille. J’obtiens Eric Cantona. Le minot violent, buté, hâbleur, bagarreur, incontrôlable. Les deux s’inscrivent de manière indissociable dans la légende sportive. Adulés, détestés, conspués, comédiens et martyrs, maintes fois sanctionnés par les instances de leurs disciplines, coqueluches des médias, ils resteront éternellement le Genius et le King, autant considérés pour leurs talents, leurs palmarès que pour leurs tempéraments d’épouvantables râleurs. On n’en finirait pas d’énumérer la liste des personnalités sportives charismatiques coulées dans ce moule atypique, à travers les époques et les compétitions. Et toujours au régal de publics galvanisés. Quand l’un de ces « mauvais garçons » dérape – par exemple Carlos Monzon, OJ Simpson ou Mike Tyson – son aura s’en trouve à peine affectée, tellement elle est associée à l’ hybris d’un caractère d’exception. Et l’on peut aussi défier l’Empire, tout en demeurant le Greatest : Cassius Clay, alias Mohamed Ali.


Or ces modes de dissidence sont en passe de disparaître. Qu’elle se manifeste sur le terrain ou en dehors, l’esthétique de la provocation théâtrale et du non-conformisme frondeur est de moins en moins tolérée dans le comportement des dieux du stade. Des champions actuels comme Ernests Gulbis ou Wayne Rooney, chacun selon ses déterminants socio-culturels, insolence trilingue, vodka et starlettes pour le premier, grande gueule, pubs et filles de bar pour le second, qui perpétuaient cette tradition de l’irrévérence, cette culture torchée de la troisième mi-temps, ont été conduits à s’assagir. Sommés par leurs coachs, leurs sponsors, la pression de la communauté des joueurs, et, du haut de leur tribune VIP, par les commentateurs journalistes, dorénavant coiffés de la double casquette d’analystes du jeu et de diffuseurs présomptueux du discours moral dominant. Pourquoi, d’ailleurs, une telle et soudaine sévérité de la part des Pascal Praud, Pierre-Louis Basse, Bruno-Roger Petit et consorts? En raison, trépignent-ils, du devoir d’exemplarité de vedettes sportive cousues d’or vis-à-vis de la jeunesse indocile, voire enragée, des quartiers (on pense à ces châtelains s’obligeant à assister à la messe du village, pour donner l’exemple à leurs manants). Cette notion d’irréprochabilité - mis à part la question du dopage (et encore) - laisse songeur. Où, sinon dans les régimes de type fasciste, voués au culte du corps, à l’enrégimentement et à l’obéissance aveugle, demande-t-on aux athlètes d’être des modèles disciplinés ? Et ceci alors que la pipolisation du monde des sportifs rend ces derniers particulièrement vulnérables, au moindre écart de conduite. Le « bon garçon » Olivier Giroud ne s’est-il pas fait prendre par la patrouille en galante escorte…


On touche en réalité ici aux effets périphériques de la nouvelle écriture réactionnaire du roman national. L’historiographie du sport constitue le reflet, l’extension domaniale, d’une conception officielle de l’histoire manipulée depuis des années, qui s’appuie corrélativement sur la liquidation du marxisme et sur un processus idéologique d’ethnicisation des inégalités et des conflictualités sociales. D’où l’apparition à point nommé de la catégorie repoussoir du « bad boy », qui opère en douceur la mise au rancart de la classe ouvrière traditionnelle (tandis qu’est depuis longtemps endigué l’autre fléau - il n’y a pas de petits profits civilisationnels – avec la banalisation normative de la masturbation dans l’éducation des élites bourgeoises).


De frimeurs et pseudo-rebelles enfants du Ranelagh en chemises Lacoste, des fils de mineurs teigneux, durs au mal et revanchards, plus quelques braves maghrébins transcendés par le drapeau, qui, sur les pistes ou sur le ring, rapportaient des médailles à la mère-patrie (Mimoun, Halimi) : tel était l’univers du sport français, conté par un Antoine Blondin, moins désopilant que conventionnel, au fil de ses chroniques. Un univers de joueurs et de supporters où s’exprimaient symboliquement et de façon ludique des rapports de classe désamorcés de leurs enjeux concrets. Les « mauvais garçons » d’alors, métropolitains caucasiens pour l’essentiel, ne chantaient pas forcément la Marseillaise, ne se privaient pas d’injurier les journalistes, de conchier leurs entraîneurs, d’exceller dans le coup de boule, de tabasser leurs femmes et ils allaient aux putes plus souvent qu’à leur tour - tout pour plaire. Mais on a déconstruit l’image, devenue politiquement trop ringarde : elle fleurait rance le stade de Colombes, les gradins populaires et la banlieue rouge. On lui a substitué une imagerie bien plus porteuse et compassionnelle : celle du pauvre petit Blanc de souche déterritorialisé par la lumpen-émigration de masse. Dans cette France fantasmée, compartimentés et fracturée par Alain Finkielkraut, Pascal Blanchard ou Christophe Guilluy, les « bad boys » sont désormais presque exclusivement des Arabes et des Noirs. Assignés à un vague statut ontologique et/ou postcolonial. Stigmatisés ou victimisés. Enfermés dans un registre culturaliste immuable ( zy-va il est, zy-va il reste). Objets d’injures racistes. La presse, les ministres en charge, les traitent de petits caïds immatures, de caillera ignare. Non seulement ils ne bénéficient d’aucune indulgence, mais ils ne sont même plus crédités d’alimenter le show, par leurs frasques, leurs frusques, leurs bravades. Ils insupportent, voilà tout, hormis parmi les leurs. Et on les enjoint benoitement de se soumettre sans conditions à l’éthique bourgeoise du respect de la dignité humaine, aux valeurs aristocratiques du fair- play. Jamais l’un d’entre eux – Anelka, Nasri, Evra, pour citer le tiercé gagnant de l’opprobre publique – ne donnera son nom à un aéroport (comme l’ivrogne George Best), à un stade (comme le cocaïnomane Diego Maradona), nul surtout ne se verra collé ce beau surnom : « la joie du peuple » (comme Garrincha le débauché). C’est le contraire : ils sont aujourd’hui condamnés à l’impopularité. Sauf à se métamorphoser en « good boys », en dociles indigènes, à la manière du comestible, du quasi-exemplaire Lilian Thuram.


Texte : François de Negroni


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