PS : la titraille est de la rédaction
Article initialement paru in Echos du Nord 331 le 4 avril 2016 sous le titre :
Malabo : Entre rénovation et modernité
Le président Obiang Nguema Mbasogo va s’engager dans une nouvelle campagne électorale qui s’ouvre le 8 avril. C’est en toute sérénité qu’il va aborder le scrutin du 24 avril, avec la satisfaction d’une œuvre de construction bien accomplie. Le petit pays qui offrait sa main-d’œuvre bon marché aux pays frontaliers s’est transformé, en seulement vingt ans, sous les yeux d’une sous-région hébétée. Tour d’horizon.
Ce qui frappe pour quelqu’un qui vient de Libreville et qui arrive pour la première fois à Malabo, la capitale politique de la Guinée Equatoriale, c’est l’état de propreté général de cette ville. Tout semble neuf et parfaitement aligné. On dirait une construction issue du célèbre jeu « Lego ». Pourtant, dira le chauffeur de taxi qui fonce à vive allure sur l’autoroute à six voies et péage qui mène de l’aéroport au quartier résidentiel de Caracolas, « Tout ce que vous observez ici a été fait il y a un peu plus de 10 ans. Il y a tout simplement un entretien régulier des infrastructures… » Le plus étonnant pour un Librevillois est que cet état de propreté des rues et des résidences à l’apparence cossue s’étend également aux véhicules qui arpentent les avenues, boulevards et rues de cette ville. Il n’y a pas de trace de boue ou de poussière sur ces véhicules comme on peut le constater dans plusieurs villes du Gabon et à Libreville particulièrement. Cette apparence de propreté est également observée jusqu’aux véhicules de transport interurbain. Les cars qui assurent le transport des passagers entre Malabo et la cité balnéaire de Luba à une cinquantaine de kilomètres de distance pourtant, sont étonnement très propres. Pas de boue et pas de dépôt de poussière visible de loin.L’absence de pluie en cette fin du mois de février à Malabo et ses environs n’explique pas tout. Il faut plutôt rechercher l’explication de ce phénomène vers le modèle architectural sur lequel est bâtie cette ville.
Comme dans toutes les villes modernes en Europe, aux Etats Unis ou dans d’autres pays africains, on fait face au triptyque « maison, trottoir bitumé, route ». En d’autres termes, lorsque l’on sort de chez soi, on arrive sur un trottoir en bonne état et naturellement une belle route bitumée. Il y a ni portion de rue en terre, ni crevasses ou pourrait se concentrer des eaux de ruissellements. D’ailleurs, le système de canalisation est tel qu’il donne l’impression d’être construit sur le modèle du « tout-à-l’égout » comme dans les grandes cités modernes. Il n’y a nulle part dans cette ville des eaux stagnantes qui se transforment le plus souvent en « étangs ou lacs urbains», comme on peut le constater dans plusieurs quartiers de Libreville à l’exception notable de l’îlot de prospérité du quartier de la « Sablière ».
Il faut faire preuve de mauvaise foi et s’armer de beaucoup de courage et de patience pour découvrir tout de même un coin qui rappelle Libreville en termes d’urbanisation anarchique et de route. Pour cela, il faut aller au « village Sampaka», qui jouxte Malabo comme l’est Bikelé par rapport à Libreville, non loin d’un poste de police, pour découvrir une ruelle secondaire en terre. Au bord de laquelle des sujets Nigérian ont installé un garage de fortune. Et des femmes camerounaises se livrant à leurs activités favorites, la restauration. Comme partout ailleurs, les principales voies qui traversent le village de Sampaka ont le même aspect que ceux de tous les quartiers de Malabo. Les maisons qui s’y trouvent sont également en adéquation avec le triptyque « maison, trottoir, route bitumée ».
Malabo c’est un mariage réussi entre le neuf et le vieux. Une preuve qui contredit la théorie émergente développée par Ali Akbar Onanga y’Obegue qui croit « qu’on ne fait pas du neuf avec du vieux ». Les urbanistes qui ont travaillé sur la rénovation de cette ville ont marié de manière savante le Malabo ancien et le nouveau Malabo . « Centro Ciudad », le nom de l’ancienne ville de Malabo, est un enchevêtrement de ruelles étroites qui rappellent étrangement les vieilles villes de Barcelone, Madrid, Séville voire certains petits villages en Andalousie. Aux bords desdites ruelles droites qui donnent à ce quartier « Centro Ciudad » l’impression d’une juxtaposition de figures géométriques de formes carrées, se dressent des bâtisses anciennes, vestiges de la colonisation espagnole. Entre ces bâtiments anciens, il y a eu de la rénovation sans que cela dénature l’aspect général de « Centro Ciudad ». Les grandes banques y ont érigé des agences à l’architecture futuriste. Ecobank, BGFI Bank, Société générale de Banque de Guinée Equatoriale et bien sûr la Banque nationale de Guinée Equatoriale. La principale chaine de supermarchés du pays y est présente également « Martinez Hermanos ». Ce quartier rappelle également pour ceux qui sont allés à Paris « Saint Germain des prés » par la présence de nombreux cafés et restaurants à la mode où « il faut se montrer » le soir venu. Aller diner au restaurant « Luna », l’autochtone vous qualifiera de vrai « PDGE » pour « membre » du Parti démocratique de Guinée Equatoriale. C’est-à-dire qu’en allant à cet endroit, vous êtes automatiquement assimilé à un membre de la classe dirigeante. Pourtant, en dehors d’un luxe impressionnant qui saute aux yeux, d’un service très raffiné et de son emplacement exceptionnel – niché au-dessus de la plateforme portuaire de Malabo -, les prix pratiqués sont étrangement bas pour un établissement de ce standing. Un serveur reconnaîtra cependant que « l’établissement a dû s’adapter à la crise pétrolière ». Ceci explique-t-il les prix bas ? Peut-être.
Malabo c’est également une étrange continuité. En dehors du quartier « Centro Ciudad » qui par son côté pittoresque se singularise du reste de la ville, ou des nouveaux quartiers de Malabo 2 particuliers aussi, car s’étendant de part et d’autres de larges autoroutes à six voies, le visiteur passe d’un quartier ancienà un autre sans s’en apercevoir. Du quartier très cossu de « Caracolas » au quartier populaire « Ela Nguema » par exemple, seule la densité des maisons rappelle que l’on passe de l’un à l’autre. Tant l’architecture des maisons se ressemble. Ce qui était un bidonville, « Ela Nguema », d’après de nombreuses personnes rencontrées, s’est totalement modernisé. Le même triptyque « maison, trottoir, route bitumée » a été reproduit. Quasiment plus de maison qui n’ait un accès direct à une rue. Des espaces de loisirs aménagés pour les jeunes et les adeptes de sport. Des parcs boisés construits à certains endroits…
Tout ceci a séduit de nombreux opérateurs économiques à venir s’installer dans ce qui était «un dépotoir » à Malabo. Même les grandes banques du pays y ont érigé des agences. Le cas de la Société générale de banque qui a construit un immeuble de plusieurs étages non loin d’un parc aménagé dans ce quartier. C’est un peu comme si BGFI Bank décidait de construire un immeuble à Kinguelé ou à Atsibe Ntsot et d’y loger une de ses agences. « Malabo dos » et le nouveau quartier d’affaires de « Sipopo » sont sans doute les lieux les plus connus et démontrent la transformation totale et vertigineuse de cette ville vers plus de modernité. Ces nouveaux quartiers où le béton est roi auraient pu être sans « âme ». A l’image des banlieues françaises. Mais les urbanistes Equato-guinéensen ont décidé autrement. Ils y ont érigé le cœur du pouvoir central, le cœur des affaires et le symbole du rôle international que veut jouer la capitale politique de la Guinée Equatoriale. Ces deux nouveaux quartiers – Malabo dos et Sipopo - prennent « en tenaille » ce qui était Malabo avant le boum pétrolier. « Malabo dos » est le centre nerveux au plan politique et judiciaire. On y trouve tous les sièges de tous les ministères de part et d’autre de la longue autoroute qui mène vers l’aéroport international. Les immeubles ont une architecture futuriste. La plupart fait de mélange de verre et de béton. Le parlement de la Cemac s’y trouve également, ainsi que le nouveau palais de justice. Tout comme le palais présidentiel et son quartier administratif. C’est une zone de haute sécurité. Les principales chaines hôtelières internationales et plusieurs ambassades, sans doute pour profiter de cette situation particulière,y ont érigé leurs établissements et leurs sièges. Tout autour de ce bloc administratif et de pouvoir, se sont installés les notables du régime et de riches particuliers fortunés. Le plus extraordinaire est que l’Etat équato-guinéen ait songé aux sans grade. En construisant dans ce quartier hyper chic, à quelques jets de pierre de l’imposant palais présidentiel, des centaines de logements sociaux accessibles à tous. Téodoro Obiang Nguema Mbasogo a comme voisins immédiats des Équatoguinéens ordinaires. Une image qui peut étonner au regard de la pratique des chefs d’Etats africains très enclins à s’isoler le plus possible des populations et de n’avoir « comme voisin » que les familles des soldats affectés à leur sécurité respective.
« Sipopo » à la différence de « Malados dos », berceau du pouvoir, est la vitrine internationale de la cité. La ville à travers les équipements qui s’y trouvent – centre de conférence internationale, une cinquantaine de villas de très haut standing, hôtels et restaurants de classe mondiale, plage privée entièrement aménagée…-, a fait le choix de l’organisation des évènements internationaux pour asseoir son développement économique et son rayonnement international. Séminaires, conférences internationales ou d’autres évènements mondains prennent « régulièrement d’assaut la plateforme de Sipopo pour sa singularité », dira un officiel rencontré lors du Forum sur le développement des marchés financiers organisé à la fin du mois dernier à Sipopo. Pour tenir ce rang, la ville s’est dotée d’une centrale électrique au gaz de dernière génération, assure un autre officiel. « Je suis rentré à Malabo depuis 8 mois, je n’ai jamais connu une seule coupure d’électricité. Même de quelques secondes », dira le directeur général des impôts de ce pays au cours du même forum.
Pour parfaire son image de modernité, Malabo s’est mise au « sport ». La ville s’est équipée de nombreux « parcours de santé » le long de la mer. Tous les jours, ce sont des dizaines d’habitants ou des touristes de passage qui s’adonnent à la pratique du sport en plein air dans un cadre très agréable. Cette réussite, il faut bien le dire, n’est pas le fruit d’un hasard. Le président Obiang Nguema a très vite compris que pour développer son pays, il doit s’appuyer sur des cadres biens formés et une expertise internationale de haut niveau. Les jeunes Équato-guinéens depuis 1990 au moins sont envoyés dans les meilleures universités en Espagne, en Russie, aux Etats-Unis, en Suisse ou en France. Beaucoup d’entre eux sont rentrés avec un une expertise avérée. Cette expertise nationale, associée à des compétences étrangères de haut-niveau, ne peut que déboucher sur le nouveau visage actuel de Malabo. Fonctionnel, alliant de façon optimale enjeux de rentabilité économique à long terme et le souci d’ériger la capitale politique de la Guinée Equatoriale en un haut lieu de la diplomatie mondiale.
TEXTE : JEAN-MICHEL SYLVAIN