Après trente-deux ans d'exclusif pouvoir, entrecoupés d'une guerre civile de près de cinq ans, dont il demeure le seul bénéficiaire, que pourrait bien faire (de plus ou de pire) Denis Sassou-Nguesso pour enfin convaincre le monde de la nécessité de se pencher sur le sort et l'avenir de "SON" pays, le Congo-Brazzaville ?
Entendre ici le "SON" au sens le plus clanique.
Traduction de l'informée Lettre du continent : "Si son directeur de cabinet, Firmin Ayessa, devrait officiellement diriger la campagne, le chef de l’Etat s’appuie en réalité sur son clan mbochi (enfants, oncles, cousins...) pour peauiner sa stratégie. Neveu et patron des services secrets, Jean-Dominique Okemba est au cœur du dispositif chargé de "quadriller" le pays et de "neutraliser" les opposants. Fils cadet du président et DGA de la SNPC, Denis Christel Sassou Nguesso dit "Kiki" demeure le financier du clan via sa fondation Perspectives d’avenir. Celle-ci est par ailleurs destinée à "sensibiliser" les jeunes Congolais sur le programme de son père. Edgard Nguesso alias "Gaya", directeur du domaine présidentiel, a également mis sa fondation Génération avenir au service de la campagne de son oncle."
Entendre ici le "SON" aussi au sens du droit et donc des coups tordus. Chez Sassou, Sassou fait sa loi.
Traduction, toujours dans la même informée lettre continentale : "Fort des 93% obtenus - à la hussarde - au référendum constitutionnel d’octobre, qui l’autorise à briguer le scrutin, Sassou mobilise..."
Entendre ici le "SON" enfin au sens le plus brutal du terme. Bien que trop souvent nommé médiateur dans les conflits de la région - en raison de son féodal fonctionnement, qui l'a amené à placer, comme de l'argent, ses enfants et parents un peu partout dans les élites de ses voisins -, chez lui, Sassou négocie peu. Ou alors après avoir cogné.
Sassou, métaphore à lui tout seul des contradictions d'un système post-françafricain de plus en plus illisible, est arrivé au pouvoir par les armes, en 1977 ; l'a quitté par les urnes, en 1992 ; l'a repris par les armes en 1997 ; s'y maintient par les urnes forcées depuis. En toute impunité. Au vu et au su, et donc, avec l'aval de tous.
Sassou, effrayante et angoissante superstar chez les caricaturistes et les satiristes, doté par eux de plusieurs surnoms plus glaçants que drôles, à bien y regarder : le Cobra Suprême (référence à ses meutrières milices "Cobra"), Black Milosevic - qui nécessite peu d'explications -, et le Son of the Beach, en souvenir des 350 et quelques massacrés de mai 1999. Voici ce qu'en dit wikipédia (par ailleurs étonnamment critique sur Sassou) : "L’affaire des disparus du Beach est une tuerie collective orchestrée par des hauts responsables d'État, qui s'est déroulée entre le 5 et le 14 mai 1999 au débarcadère fluvial de Brazzaville dit Beach de Brazzaville en République du Congo sous la présidence du général Denis Sassou-Nguesso arrivé au pouvoir deux ans plus tôt à la suite d'un violent coup d'état militaire en 1997."
Chez Sassou donc, un goût prononcé pour le retranchement. Derrière SA constitution ou chez lui, entouré d'hommes de mains surarmés prêts à en découdre jusqu'à la mort.
Sassou, c'est simple : l'inverse de l'héroïque ghanéen Jerry Rawlings. Tous les soldats n'ont pas le même rapport à la démocratie.
La Gaule, bien sûr, toujours en pointe lorsqu'il s'agit de tartuffer, se permet, par son Premier ministre, le Sarkozy à la catalane Manuel Valls, de contester l'élection (grotesque) d'Ali Bongo dans une émission de télévision du Service public, pendant que François Hollande approuve, pour ne pas dire défend, le principe du scandaleux référendum plébiscitant de Sassou en 2015, qui lui permettra de faire tripatouiller la constitution congolaise pour ne plus avoir à redouter ni limite d'âge ni limitation du nombre de mandats.
Les opposants congolais, une partie de la presse africaine et, surtout, les réseaux sociaux furent pourtant très actifs durant l'été et le début de l'automne 2015 pour informer les Africains et le monde de la manip' sassouine...
Ce projet de référendum cousu d'avance a été combattu. Démocratiquement. Seulement, Sassou, la démocratie, il ne la conçoit qu'à son usage et selon ses règles. Résultat, une dizaine de morts entre Pointe Noire et Brazza. Silence radio (france) international.
A part, on serait tenté de dire comme d'hab', Amnesty International. Qui s'émeut. S'inquiète. Dénonce.
"En octobre 2015, Amnesty International a demandé aux forces de sécurité de cesser de recourir à une force excessive : elles avaient tiré sur des foules rassemblées à Brazzaville et Pointe-Noire pour manifester contre les projets de modification de la Constitution. D’après les groupes d’opposition, au moins 18 personnes ont été tuées.
Par ailleurs, Amnesty International a pointé du doigt la détention d’opposants politiques, avant le référendum constitutionnel d’octobre mais aussi à l’approche des élections. Parmi les personnes actuellement détenues figurent Paulin Makaya, leader du parti politique Unis Pour le Congo (UPC), et Serge Matsoulé, secrétaire fédéral de la Convention d’action pour la démocratie et le développement (CADD).
En octobre 2015, les forces de sécurité ont encerclé la maison d’un autre leader de l’opposition, Guy Brice Parfait Kolélas, sans aucune autorisation judiciaire, et l’ont empêché de sortir pendant 12 jours. Toujours en octobre, six militants ont été arrêtés et condamnés à trois mois d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation non autorisée."
Traduction en Sassou : l'interdiction faite au représentant d'Amnesty international de poser le pied au Congo, fin février 2016... Qui n'a toujours pas déclenché de salve de courroucées réactions et sanctions internationales.
La Lettre du continent parle, elle, d'intimidation "savamment orchestrée contre les autres candidats avec assignations à résidence, interdictions de voyager à l’intérieur comme à l’extérieur du pays…". Mais aussi de la totale emprise du régime "sur les organismes électoraux, notamment la CENI (Commission électorale nationale indépendante) dont l’impartialité a même été remise en cause par l’Union européenne."
Texte : Justine Okimi