Une bien inquiétante et alarmante photo circule sur les réseaux sociaux, depuis le 5 mars dernier - ouverture officielle de la Campagne électorale !!!
On y voit, sur deux colonnes, une foultitude de véhicules militaires, dotés pour certains de canons, hérissés de soldats en armes, entrer et circuler en pleine journée dans Brazzaville... Capitale d'un Congo qui s'apprête à vivre, comme nombre de pays africains en ce moment, une élection présidentielle !
Un Congo à notre connaissance pourtant engagé dans aucun conflit armé avec l'extérieur, en proie à aucune milice rebelle armée à l'intérieur. Un Congo qui n'aurait donc, a priori, pas de raison d'ainsi exposer ses forces militaires. Sauf à penser qu'il y aurait une menace terroriste sérieuse planant actuellement sur le Congo : on ne sache pas qu'un Charlie local eût reproduit de fâcheuses caricatures, ou que Sassou eût mis à la disposition de la coalition internationale qui frappe Daech ses meilleurs archers... On se demande donc bien ce que le pouvoir congolais peut redouter pour ainsi prévenir son peuple et le monde qu'il est prêt à en découdre. Et avec qui ?
Comment interpréter autrement que comme un avertissement, une menace même, ce défilé sans parade ?
Malgré le blanc seing délivré par le français Hollande à Sassou pour qu'il s'organise un référendum à l'automne 2015 lui permettant de se présenter en 2016, après l'Union européenne déclarant que les conditions de transparence pour un scrutin fiable n'étaient pas réunies, ces blindés en démonstration constituent une nouvelle et ennuyeuse lézarde sur le tableau rassurant que le deuxième plus ancien leader françafricain en poste voudrait offrir à la communauté internationale et aux bailleurs de fond des grandes institutions financières et monétaires.
Même les plus jeunes internautes n'ignorent pas dans quelles conditions tragiques et meutrières Denis Sassou Nguesso a pris et repris le pouvoir. Outre les livres, nombreux, les vidéos sur Youtube abondent, qui racontent comment il accéda au pouvoir en 1977 (si, si, déjà), le perdit par les urnes en 1992, provoqua une guerre civile pour pouvoir le récupérer en 1997. Pour ne plus le quitter. Voir ces blindés, ces armes à quelques jours d'un scrutin, si on l'ajoute aux objectifs motifs de redouter celui-ci et les conditions de son bon déroulement, amènent de plus en plus de Congolais à se demander s'il ne vaudrait pas mieux reporter cette élection...qui ne saurait bien se dérouler.
Comme ses homologues d'Afrique francophone, Sassou sait qu'une "bonne" élection implique nécessairement le contrôle par le pouvoir en place du fichier électoral. (Sale blague : au Bénin, pour finir, on a voté avec quelle carte, la vieille, la neuve ou les deux ?). On se rappelle que la ouattariste Commission électorale indépendante ivoirienne, avant de jouer le sinistre rôle qu'on sait dans le putch franco-onusien contre Laurent Gbagbo - annonçant au-delà de ses compétences un résultat frauduleux -, avait été convaincue de fraudes au fichier électoral en février 2010.
Pour s'éviter ce genre d'affront, Sassou a rendu sa Céni de fait inoffensive pour lui et fait vérifier ses comptes, fichiers et cartes par celui qu'on appelle affectueusement son Commis, le ministre de l'Intérieur Raymond Zéphirin Mboulou. Espérant, on l'imagine, une victoire au premier tour, qui, dans son esprit, validerait et légitimerait le tripatouillage constitutionnel auquel il lui aura fallu recourir pour pouvoir prétendre se succéder, en vertu des limitations d'âge et du nombre de mandats qui eussent dû l'en empêcher.
Pas de second tour possible pour le leader que peuple "aimerait", d'après lui, au point de le laisser s'affranchir des lois.
1 coup K.-O., c'est le prix électoral du forfait constitutionnel.
Moins bête, vaniteux et suffisant qu'un Bédié ou un Ouattara, Sassou devrait avoir la prudence de s'offrir une toute petite et modeste victoire au premier tour... 51 ou 52%. Au-delà, même ses thuriféraires les plus assidus et les plus reconnaissants (oui, oui, c'est bien à François Soudans, de l'impayable mais très achetable Jeune Afrique que nous songons ici, mais pas que...) auront du mal à dissimuler leur malaise.
Tant aussi il semble difficile de croire que plus d'un Congolais sur deux serait favorable à Sassou quel que soit l'adversaire qui lui serait opposé...
Selon nos informations, ce qui tracasse Sassou, une fois ses soldats de mauvais augure installés en ville, c'est de trouver le(s) bon(s) moyen(s) d'étouffer toute contestation à l'annonce de "ses" résultats. Pourquoi ne pas exactement refaire comme en octobre dernier ? Couper Internet, lignes téléphoniques et signal de RFI le jour du vote afin d'empêcher la transmission et la communication en temps réel des résultats issus des bureaux de vote par les délégués des différents candidats. Ainsi que le jour de l'annonce de son succès. Si l'on en croit l'absence de réaction internationale face à la dizaine de manifestants opposés à son référendum morts entre Pointe Noire et Brazza en octobre dernier, Sassou peut brutaliser son peuple tranquille...
Partant, on voit mal la Communauté internationale s'émouvoir davantage si Sassou venait à consigner l'Armée, ou même décréter un couvre-feu à la veille de l'annonce de sa "victoire fictive" (Bienvenu Mabilemono). Dans la foulée, déployer ses gens : police, éléments de sa garde prétorienne, mercenaires étrangers, en vue de quadriller les grandes villes du pays.
Non content d'avoir censitairement multiplié par six le montant de la caution (non remboursable) que doit verser tout prétendu candidat à la magistrature suprême, et malgré un contexte pétrolier a priori défavorable pour un pays vivant sur cette seule rente ou presque (le prix du baril, baisse sans discontinuer depuis des mois), selon nos informations, en ce moment à travers le Congo il se distribuerait beaucoup, beaucoup d'argent... et pas seulement en carburant pour hélicoptère aussi dispendieux que superflu. Vases communicants symboliques : moins les opposants en ont, plus le candidat-président sortant semble en dépenser.
Mabilemono note aussi à juste titre que "pour gêner le candidat du peuple, le Général Jean Marie Michel MOKOKO, et l'empêcher de se déployer librement sur le terrain et faire correctement sa campagne, dans certaines localités comme Pointe-Noire, Dolisie, Owando, Makoua, Ouesso, Ewo..., Denis Sassou Nguesso a prévu de faire de la provocation et programmé ses déplacements dans ces différentes localités au même moment que le Général Jean Marie Michel MOKOKO."
Ultime signe de vitalité de la démocratie selon Sassou Nguesso : l'interdiction faite à un représentant d'Amnesty international, récemment, d'entrer sur territoire congolais. Une élection présidentielle qui s'annonce, décidément, sous les meilleurs auspices.
Texte : Justine Okimi