Après sa brillante réélection, Denis Sassou Nguesso
crée une milice gouvernementale…
Le 25 mars dernier, au journal de 20 heures, Télé Congo, la télévision nationale, officialisait la création d’une milice gouvernementale. Quel besoin pour le Président congolais de créer un tel groupe paramilitaire ? Pourquoi craint-il des troubles dans le pays puisqu’il a été réélu au premier tour avec plus de 60% des suffrages, selon la Commission Nationale électorale « indépendante » ? Douterait- de sa victoire ?
La télévision congolaise est un monument, hormis peut-être la Corée du Nord, peu de pays dans le monde peuvent se targuer d’avoir un tel organe de propagande. Le journal de 20 heures est un cas d’école pour les apprentis dictateurs : après s’être félicité de l’élection du candidat-Président et salué une Nouvelle République ; après avoir encensé le programme de Denis Sassou Nguesso, la télévision nationale est passée aux choses sérieuses.
L’ex Cobra, nouveau chef de milice
Le reportage montre un commando paramilitaire filmé dans un coin de forêt avec des hommes aux mines patibulaires tout de noir vêtus. Leur chef s’exprime sur un ton martial et déclare qu’ils défendront le pays, le peuple et la Nouvelle République contre tous les éléments séditieux qui souhaitent le désordre au Congo. La menace clairement exprimée s’adresse à tous les candidats de l’opposition et à leur coordonateur Charles Zacharie Bowao. Ce groupe se déclare comme les Nouveaux Patriotes. En réalité, il n’y a rien de vraiment nouveau puisque l’homme qui s’exprime, Hidevert Mouani est un ancien chef des Cobras, milice pro-Denis Sassou Nguesso lors de la guerre de 1997 qui combattait les Ninjas du Président Pascal Lissouba. Après la guerre, Hidevert Mouani est devenu un honorable député de la nation, mais en coulisse, il est toujours resté un homme de main du Président congolais. Après ce reportage menaçant, suit une déclaration, qui se veut tout aussi martiale, d’un certain Tanguy, ancien Ninja repenti et reconverti dans la défense de la Nouvelle République de Denis Sassou Nguesso.
Une stratégie de la tension et de l’irresponsabilité
Bien évidemment, ces annonces volontairement dramatiques sont destinées à effrayer les Congolais. Elles rappellent les sinistres souvenirs de la guerre de 1997, qui avait fait 400 000 morts, afin de dissuader les Congolais de soutenir l’opposition et de manifester pour faire respecter les résultats des urnes. Elles créent une psychose dans le pays et obéissent à une stratégie de la tension. Mais cette déclaration officielle de la recomposition d’une milice n’est pas seulement un exercice de pure communication. Denis Sassou Nguesso dispose d’une force publique officielle en nombre, armée, police et gendarmerie sont en outre bien organisées. A priori le Président n’a donc pas besoin de ce genre de supplétifs. Pour l’instant, il procède chaque jour à des arrestations arbitraires, à des pillages de QG de campagne des candidats, à des menaces et des intimidations qui ne sont pas ou que très mollement dénoncés par la communauté internationale. Il espère qu’il pourra garder le pouvoir à la manière de Pierre Nkurunziza, Président du Burundi qui reste au pouvoir malgré toutes les exactions qu’il commet dans son pays. Mais il anticipe aussi les troubles et une réaction plus forte de la diplomatie internationale. Dans ce cas, cette milice sera chargée du sale boulot et exonérera Denis Sassou Nguesso de ses responsabilités légales. Ainsi, il pourra dire : « ni responsable, ni coupable. » Cependant, il a commis l’erreur d’officialiser la milice d’Hidevert Mouani au journal de 20 heures, personne n’ignore désormais que ce groupe paramilitaire est aux ordres du pouvoir.
TEXTE : Justine Okimi