Jérôme Reijasse n'est plus abonné au PSG. Il s'occupe de plus en plus de son fils Jules. Après le succès de son premier recueil de chroniques parues dans le Gri-Gri International, il prépare tranquillement le deuxième. Compose des bios. Coache médiatiquement. Teste des jeux vidéos et des disques chez Rock'n Folk. Brasse l'air du temps dansTechnikart.
Amis migrants,
La saleté humaine est inépuisable.
Le libéralisme est impitoyable.
Les citoyens occidentaux sont des artichauts sans coeur.
Aujourd'hui, c'est acté: l'Europe va vous accueillir par centaines de milliers.
La générosité des riches. Donner ce qui ne leur appartient pas. Et montrer du doigt ceux qui rechignent.
Les racistes, les fascistes, les idiots, les égoïstes, le peuple en somme, nous, vous, moi.
Venez, pauvres Syriens, tristes Irakiens, pathétiques Lybiens, venez!
Oh, vous verrez, au départ, ce ne sera pas facile. Vos emplois seront précaires, s'ils existent même. Les ouvriers ne vous aimeront pas forcément, il faudra les comprendre. Ils auront peur, eux aussi, de souffrir encore un peu plus. Il y aura un peu d'allocations, des aides, l'hôpital public, vous n'en reviendrez pas ! Les Français, eux, vous dévisageront, vous haïront peut-être en silence, voteront FN pour digérer. La politique de culpabilité déployée par notre gouvernement les poussera finalement à se taire, à baisser la tête, à accepter. Ils seront tous Aylan. Ils n'auront pas le choix. Ils ont toujours préféré les émotions faciles aux fraternités de combat, Paris Match à Voyage Au Bout de la Nuit.
Les riches qui ont autrefois encouragé les guerres dans vos pays, les mêmes qui aujourd'hui pleurent en direct sur votre malheur, ils ne vous reconnaîtront plus. Ils ne voudront plus vous voir. Non, BHL n'ouvrira pas son grand appartement et ses maisons secondaires pour vous héberger mais ne s'empêchera pas d'écrire des livres et de tourner des documentaires pour dire votre errance terrible. L'Élysée ne poussera pas les meubles pour vous abriter, Joffrin ne demandera pas aux journalistes de Charlie Hebdo de se serrer un peu, les artistes de gauche, de droite, tous défiscalisés, non plus, ils préfèreront enregistrer un disque à votre gloire et, peut-être, vous exhiber de temps en temps sur un plateau télé. Avant de vous oublier dans les quelques banlieues où l'on ne manquera pas de vous parquer. Vous ne ferez que passer, peut-être. Canada, Angleterre, Allemagne, Obama's land, vous aurez le choix. Rester ici ou partir ailleurs. Peu importe, cela signifiera vivre chez ceux qui vous ont bombardés, affamés, trahis, soldés, assassinés, enculés, utilisés. Les futurs Aylan ne crèveront plus sous l'objectif d'un photographe dégueulasse, non, ils prendront une balle dans la tête en allant à l'école, ils brûleront dans leur appartement insalubre, ils découvriront les joies des cancers et de l'obésité et de l'I-Phone dernière génération, ils se perdront dans la consommation putride, ils seront parfois suspectés d'être des terroristes, ils voteront, un jour, quand ils seront devenus, eux aussi, des citoyens dignes de ce nom. Ce qu'on appelle chez ceux qui ont des dents le progrès...
Oui, vous êtes des victimes, des martyrs, des ombres, des hommes.
Ce soir, une frustration violente m'envahit. Une haine éternelle.
Je me doute que, pour la plus grande majorité d'entre vous, vous auriez préférer rester dans votre pays, avec votre langue, vos familles, vos habitudes, votre ciel et vos désirs. Je n'ignore pas que, dans votre situation, j'aurais peut-être aussi eu l'inconscience de traverser les océans les plus voraces pour fouler une plage où l'on conjugue les choses encore au futur. Pour moi, ma femme, mon fils. Je sais que si demain, à Montreuil, je vois s'installer dans ma rue des familles syriennes, irakiennes, lybiennes (algériennes, maliennes, roumaines, c'est déjà fait), je ferais avec parce que je n'aurais pas le choix. Et que ça se passera bien ou mal. Et que ce sera comme ça.
Voisins migrants, je me dis surtout qu'il faudra bien un jour tous s'unir et fondre sur les beaux quartiers, là où la morale est un trou normand et dérouiller ceux et celles qui ont bu notre sang sans vergogne, ceux et celles qui défilent pour l'avortement, pour la démocratie, pour le droit au blasphème et qui s'indignent, les faux-culs, quand un frêle cadavre squatte les ondes.
Aylan, ce sont eux. Cette image que j'aurais aimé ne jamais voir, ce sont eux. Cette violence permanente, cette avidité intolérable, ce sont eux. Ils veulent supprimer les nations, les frontières, les traditions et l'histoire? Très bien. Ils souhaitent que l'argent soit la seule religion possible ? Ok. Ils disent que l'ennemi, c'est Daesh, Le Pen et tout le bordel ? D'accord. Et si, amis syriens, irakiens, libyens, on leur montrait que la plaisanterie est terminée. Pas un truc à la Marx, sérieux, appliqué, politique, non! Une révolution pour rien, une révolution soupape, comme un cours d'aérobic gigantesque, un défouloir sans code, sans règle, sans limite. Du hooliganisme transcontinental. Du boomerang hilare et sauvage.
Que la barbarie change de camp.
Ces gens capables de pleurer en direct un gosse crevé et qui s'enrichissent en en sacrifiant des milliers d'autres ne méritent aucun procès, aucun pardon, aucune excuse.
Ils exhibent le pauvre Aylan comme ils ont exhibé Khadafi, Saddam et tous les autres.
Un avertissement, une menace déguisés en prière.
Tuer ou être tué.
Il ne restera plus que ça.
Bientôt.
Repose en paix, Aylan.
TEXTE - JEROME REIJASSE
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