LE SCAN SPORT - Agent de la majorité des stars françaises du ballon rond dans les années 90, Marc Roger dévoile dans son livre Transferts l'envers du décor de négociations parfois surréalistes.
L'avis du Scan sport: Dans les années 90 et jusqu'au début des années 2000, Marc Roger est l'un des agents les plus influents en France et en Europe. Patrick Vieira, Nicolas Anelka, Sylvain Wiltord, Ibrahim Ba ou encore Thierry Henry ont tous signé sous sa coupe de retentissants contrats dans de prestigieux clubs. Dans Transferts, l'homme d'affaires dévoile les coulisses des négociations souvent rocambolesques. Les dessous du foot-business, un monde opaque aux moeurs surréalistes où les coups de bluff pleuvent. A l'exception de quelques rares et courts chapitres sans grand relief, le récit parfois dérangeant est agrémenté d'une multitude d'anecdotes croustillantes , parfois hallucinantes qui offrent au fan de football une relecture saisissante de certaines affaires qui ont fait grand bruit à l'époque dans le monde du ballon rond.
Pourquoi Anelka a quitté le PSG, l'histoire d'une vengance
La situation : La saga autour de la carrière de Nicolas Anelka constitue l'un des chapitres les plus savoureux du livre. Marc Roger, qui aurait probablement pu écrire un tome entier sur ce seul personnage, révèle notamment pourquoi le jeune attaquant (18 ans) a filé à l'anglaise à Arsenal en 1997 en prenant de court tous les dirigeants parisiens. L'agent avait été écarté des transactions autour de l'arrivée du Brésilien Leonardo alors qu'il avait la confiance du club pour gérer ce dossier. Un «coup tordu» qui a a rendu fous de rage Roger et son associé Jean-François Larios. Le départ d'Anelka sera leur vengeance.
Le passage: «Jean François se rend aux Trois Obus insulter Moutier. Des mots très vifs sont prononcés. Et il lui lâche: “Ok, avec Leonardo vous gagnez 1-0. Mais un jour on va vous mettre 3-0 dans la gueule. Nos rapports sont terminés. Vous verrez bien ce qui se passera…” Sans cet épisode houleux, Anelka ne serait sans doute jamais parti à Arsenal.»
La fausse interview d'Anelka à la presse italienne
La situation : Pour négocier avec les dirigeants, les agents sont parfois tentés de commettre quelques entorses aux règles de bonnes conduite en manipulant les médias. Au téléphone, Marc Roger va se faire passer pour Nicolas Anelka auprès d'un journaliste pour décrédibiliser les dirigeants de la Juventus qui avaient négocié l'arrivée de l'attaquant avec Arsenal sans passer par les agents.
Le passage: «J'ai décidé d'appeler un journaliste de La Gazzetta dello Sport en lui disant qu'il pouvait rapporter mes propos comme s'ils étaient de la bouche de Nicolas Anelka, puisqu'il était d'accord pour que je prenne la parole en son nom. J'ai alors massacré la Juventus publiquement: “Je n'irai jamais dans ce club de vieillards. Je préfère arrêter le football plutôt que de jouer à la Juventus.” J'en ai remis une couche dans un autre quotidien sportif italien, Tuttosport, qui a vraiment cru parler au joueur lorsqu'ils m'ont eu au téléphone!»
Faux jets de bananes et de cailloux pour transférer Claude Makelele
La situation : Entorse aux règles de bonnes conduites, acte 2. Pour pousser les dirigeants à accepter de transférer son joueur, Roger monte de toutes pièces de fausses agressions de supporters en colère contre l'international. Il le fera à deux reprises, lorsque «Make» jouera au Celta Vigo, puis lorsqu'il évoluera plus tard au Real Madrid.
Le passage : «Je suis allé porter plainte dans un commissariat local en disant que les supporters du Celta avaient menacé le joueur de vandaliser sa voiture. Sauf que les cailloux, c'est moi qui les avait jetés sur le pare-brise.» Quelques années plus tard, il récidive pour faire plier le Real Madrid: «Il se dit dans la presse qu'il reçoit des insultes, des pierres et des bananes sont jetées par-dessus le portail de sa villa… En réalité, j'ai de nouveau utilisé le stratagème employé trois ans auparavant à Vigo, cette mise en scène du harcèlement.»
Makelele l'homme à femmes en Espagne
La situation : Parti poursuivre sa carrière en Espagne, Claude Makelele va vite obtenir la réputation de vrai Casanova. A tel point que cette étiquette va jouer sur les négociations lors de son transfert de Vigo à Madrid.
Le passage: «Lorenzo Sanz (président du Real Madrid, ndlr): “Désolé Claude, je n'ai plus de fille à marier.” La plaisanterie fait référence à la réputation de séducteur invétéré de Claude Makelele. Son goût pour les femmes avait même fait dire un jour à Horacio Gomez (dirigeant du Celta Vigo, ndlr): “ Je crois que bientôt, la moitié des enfants qui vont naître à Vigo seront des petits métis.”»
Les prostituées payées aux arbitres avant les matches de Coupe d'Europe
La situation: Dans les années 90, Marc Roger côtoie le gratin des dirigeants français. Il est amené à être le témoin de pratiques visiblement courantes en Coupe d'Europe consistant à payer aux arbitres des avantages en nature.
Le passage: «En 1995, 1996, Nantes parvient en demi-finales de la Ligue des Champions. Une marche sur laquelle il trébuche devant la Juventus de Deschamps (0-2, 3-2). Je me souviens de la nuit précédant le match aller à Turin, le 3 avril. Il était une heure du matin et je prenais un verre au bar de l'hôtel Palace avant d'aller me coucher. Soudain, j'aperçois une magnifique brune qui entre dans l'hôtel et se dirige vers l'ascenseur. Je demande au serveur avec qui j'avais sympathisé: “Qui est cette fille?” ”C'est la call-girl qui vient détendre l'arbitrage du match de demain”.»
Quand Zidane n'est pas au courant que son arrivée au Real Madrid se négocie
La situation : Marc Roger ne s'est pas occupé des intérêts de Zinédine Zidane, couvé par son grand rival (et ennemi) dans le milieu: Alain Migliaccio. Mais il révèle comment «Zizou» a été très proche d'une venue au Paris SG après Bordeaux (Michel Denisot a finalement fait capoté les transactions initiées par l'entraîneur Luis Fernandez) et surtout que le n°10 n'était pas du tout au courant des tractations sur son arrivée au Real Madrid, négociée dans son dos par Migliaccio en 2001. Marc Roger vend la mèche au joueur et insiste pour que celui-ci appelle son agent qui a rendez-vous le lendemain avec les pontes du club espagnol. Ce que l'international fait.
Le passage:
«(Zidédine Zidane) -Alain, ça va?
(Alain Migliaccio) -Oui et toi?
-Quoi de neuf?
-Rien de spécial
-Et demain, rien de spécial?
-Non, il y a quoi demain?
-Tu n'as pas un rendez-vous pour moi?
-Qui t'a dit ça?
-Un ami. Toi tu ne m'en as pas parlé alors que c'est important il me semble. Il s'agit quand même du Real Madrid.
-Oui, oui, oui mais tu sais, ce n'est qu'un premier rendez-vous. On verra bien.
-Tu sais quand même qu'il y a le frère et l'avocat du président. Ca a l'air quand même assez sérieux...
-Ne t'inquiète pas, je te tiendrai au courant.»
Makelele joue la comédie pour obtenir un arrêt de travail
La situation: En 2003, Claude Makelele s'est engagé dans un bras de fer avec les dirigeants du Real Madrid pour partir à Chelsea. Il doit faire croire à un medecin venu à son domicile qu'il va mal pour obtenir un certificat médical attestant son inaptitude à s'entraîner.
Le passage: «Louis de Funès dans un grand numéro d'acteur, Makelele affalé dans son canapé est parfait dans le rôle du footballeur accablé par la souffrance… La simulation est magistrale à tel point que le docteur veut l'hospitaliser! Scotché par ce spectacle, j'interviendrai alors pour mettre cet état inquiétant sur le compte de la pression subie par le joueur.»
Le testament de Robert Louis-Dreyfus
La situation: Lorsque l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus est à la tête de l'OM entre 1996 et 2002, Marc Roger est amené à travailler avec lui. Le milliardaire lâche une confidence qui explique peut-être pourquoi la famille Louis-Dreyfus n'est pas prête de passer la main à d'autres investisseurs.
Le passage: «En 2001, il (Robert Louis-Dreyfus) m'avait glissé: “S'ils sont passionnés par le football, l'OM sera pour mes fils jumeaux. Je mettrai même dans mon testament que le club ne pourra pas être vendu sans leur consentement”.»
Marc Roger, Transferts, Ed. l'Archipel, 184 pages, 17€95.