La comédienne Yasmine Modestine publie un récit édifiant sur sa condition de comédienne métisse. Et déplore l'absence de diversité sur les écrans et dans les formations.
En mars, la publication d’une fausse annonce de casting suscitait l’émoi : «Recherche, pour le personnage de Mamadou, un homme de 2530, agressif, comique, sachant danser et faire des blagues de type Afrique centrale Afrique du Sud, surtout un noir (cf. Omar Sy, avoir habité en cité est un plus).» Elle émanait, en réalité, de deux comédiens, écrite comme un acte de «révolte contre la récurrence des clichés ethniques, dégradants»
En 2008, Yasmine Modestine, comédienne de théâtre et de cinéma, notamment vue dans la série d’Eric Judor, Platane, avait saisi la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) pour un cas de racisme dans une société de doublage et publiait à ce sujet une tribune retentissante à Rue89.
Elle publie aujourd’hui Quel dommage que tu ne sois pas plus noire, récit édifiant sur la condition de comédienne métisse, l’absence de diversité sur les écrans et dans les formations, qui témoigne d’une ségrégation endémique dans le cinéma français où le César remis à Omar Sy en 2012 serait l’arbre qui cache la forêt.
Née dans le Loiret d’un père martiniquais et d’une mère blanche, diplômée du Conservatoire, elle y raconte un parcours du combattant, cantonnée à des seconds rôles d’infirmières ou de femmes de ménage, à qui l’on reproche tour à tour d’être «trop noire» ou «trop pâle».
Un florilège de perles xénophobes, cataloguage ethnique et ethnocentrique entendu sur les plateaux, de la bouche de metteurs en scènes ou de décideurs :«Les Noirs, c’est compliqué» ou «Il n’y a pas de bons comédiens noirs».
Dans quel contexte aviez-vous saisi la HALDE en 2008 ? Sur le doublage du pilote d’une série américaine, à la fin de la journée, la directrice de casting a dit aux comédiens non-blancs : «Je ne sais pas s’il y a des gens comme vous au prochain épisode, vous avez des voix spéciales.»Dans le milieu du doublage, il est spécifié de manière très claire et depuis longtemps que les Noirs ont une voix spéciale et qu’en revanche, les comédiens blancs peuvent doubler tout le monde, y compris Denzel Washington. C’était violent, nous avons eu honte. A partir de là, ça a été un marathon : je lui ai expliqué, sans évoquer le racisme ou la discrimination, que les voix sont culturelles, mais elle n’a rien voulu entendre. Il a été question de contacter SOS Racisme puis nous avons appelé la Halde, récemment créée. J’ai reçu des appels, des menaces. Il y a finalement eu une reconnaissance des faits dans ce métier et une recommandation à l’encontre de la société de doublage, Nice Fellow mais sans volonté politique venant d’en haut. Ces pratiques continuent, dans le déni le plus total et je suis quant à moi boycottée dans le doublage.
D'où vient le "whitewashing" dans le milieu artistique ? Du blanchiment de l’histoire : on sait peu qu’Alexandre Dumas était quarteron ou que les représentations du Christ varient selon les pays. DansLorenzaccio de Musset, le duc Alexandre de Médicis était métis, or jamais un comédien métis ne joue le rôle, par exemple. Cela, on ne l’apprend pas à l’école. Dans les castings, pétris de fausses certitudes, on entend parfois «il n’y a pas de rôle pour vous dans un film qui se déroule au 18e siècle», or il y avait bien des noirs et des métis à Paris à cette époque.
Lire la suite ICI.
Yasmine Modestine, Quel dommage que tu ne sois pas plus noire, éd. Max Milo.
Retrouvez tous les articles et post du Gri-Gri consacrés à Yasmine Modestine ICI.