PS : L'affaire rebondit ces jours-ci, mais remonte à 2012 et à l'automne 2014.
Pour avoir inversé le sperme d’un donneur blanc avec celui d’un donneur noir, une clinique américaine est poursuivie en justice par un couple de lesbiennes.
La mésaventure est à peine croyable. Un couple de lesbiennes intente un procès à une banque de sperme de la banlieue de Chicago au motif qu’une d’entre elles aurait été inséminée avec le mauvais sperme. La clinique aurait fourni l’échantillon d’un homme noir à la place de celui d’un homme blanc comme acté auparavant avec l'établissement, rapporte le Chicago Tribune. Selon le quotidien, l'erreur viendrait d'une mauvaise lecture du numéro du donneur. Les employés de la clinique travaillent avec des documents manuscrits plutôt qu'électroniques.
Si la plainte vient tout juste d’être déposée, les faits, eux, remontent à 2012. Mariées depuis peu à New York, Jennifer Cramblett et Amanda Zinkon décident d’avoir chacune un enfant, en même temps. En avril, alors qu'elle est enceinte de cinq mois, Jennifer Cramblett conseille donc à sa compagne d’avoir recours au même donneur de sperme pour son projet de grossesse. C’est à ce moment-là que Jennifer apprend d'un employé de la Midwest Sperm Bank que l’enfant qu’elle porte n’est pas issu du donneur prévu. Le couple avait choisi le sperme numéro 380 car il s’agissait de celui d'un homme blanc qui leur ressemblait. Or, la clinique aurait inversé le liquide avec celui portant le numéro 330, issu d'un donneur afro-américain. Leur enfant, Payton, est une petite métisse, âgée aujourd’hui de deux ans.
Une vie difficile dans une ville "intolérante et raciste"
En tant que lesbienne, Jennifer Cramblett avoue avoir déjà été victime de discrimination. C’est pour cette raison qu’elle ne souhaite pas voir sa fille vivre la même expérience. « Élever une fille métisse a été stressant (…) et Jennifer Cramblett ne connaissait pas d’Afro-Américain jusqu’à son arrivée à l’université », détaille la plainte que s’est procuré le Chicago Tribune. « En raison de ce contexte, (…) Jennifer reconnaît ses compétences limitées en matière de culture afro-américaine. Elle fait part de l'apprentissage abrupt auquel elle doit faire face au sein d'une petite communauté comme celle de Uniontown qu'elle considère comme raciste et intolérante », poursuit le document. Craignant que cette ville, qui « n'a jamais été en mesure d'accepter pleinement l'homosexualité de Jennifer », s'avère encore plus mortifère pour l'enfant métisse, le couple a décidé, deux ans après la naissance de Payton, de se tourner vers les tribunaux. Il demande une compensation de 50.000 dollars, malgré la lettre d'excuses et le remboursement promis par la banque de sperme, rapporte Associated Press.
Sur les réseaux sociaux, Twitter en particulier, comme dans les commentaires des articles, certains internautes américains se sont empressés de dénoncer le racisme dont ont fait preuve les deux mamans. « Laissez-moi comprendre. Cette ville conservatrice accepte un couple de lesbiennes mais pas un enfant métisse », s'étonne un commentateur d'un article du Huffington Post américain. « Je suis désolé mais certains ne méritent pas d'avoir des enfants. (...) J'encouragerais n'importe qui à poursuivre en justice une clinique pour négligence (...) mais, et étant gay moi-même, c'est tellement décourageant de savoir qu'un couple de lesbiennes, mette en avant de tels arguments. » « La prochaine fois, commandez votre enfant sur Amazon, ils ont une bonne politique de remboursement », ironise un autre.
Pour le site américain Slate, si les mères se défendent de tout racisme, certains éléments suscitent le trouble. « Jennifer Cramblett énumère une série de réactions qui pourraient vous faire grincer des dents. Le fait que son enfant soit métisse la fait pleurer, la rend déprimée et en colère », poursuit l'article. « Quand la réceptionniste de la Midwest Bank lui demanda si elle avait spécifiquement raquis un donneur noir, elle a répondu : "Non, pourquoi aurais-je dû le faire ? Ma partenaire et moi sommes de race caucasienne." » Si les soupçons de racisme flottent autour de cette affaire, celle-ci pose aussi une vraie problématique autour des banques de sperme. Évoquant des cas judiciaires similaires, Slate explique que la multiplication de ce type de poursuite reflète une anomalie dans leur fonctionnement. « Peut-être que la réglementation des cliniques est incohérente d'un État (1) à un autre, (...) mais, au final, ceux qui font appel à des entreprises qui font commerce de spermatozoïdes et d'ovules sont à la recherche de bébés sur mesure. » C'est peut-être là, la révélation autour d'un cas qui jette « une lumière crue sur l'industrie de la vente de gamètes ».
(1) Jennifer Cramblett habite à Uniontown (Ohio). Elle a épousé sa compagne dans l'État de New York, l'un des 19 États américains qui reconnaissent le mariage homosexuel. Ce n'est pas le cas dans l'Ohio. La banque de sperme, Midwest Sperm Bank se trouve dans l'Illinois. La législation est libérale aux États-Unis, de la mère célibataire au couple homosexuel, tous les profils peuvent se tourner vers une banque de sperme.