7t oui, la "bête" n'a pas encore rendu l'âme. Après le livre de Sylvie Brunel, l'Afrique est-elle si bien partie ?, voici que Béchir Ben Yahmed remet le couvert. Des décennies durant, le patron de Jeune Afrique - aka l'impayable mais très achetable JA - a craché dans la soupe, écrivant pis que pendre de ceux dont l'argent permettait à son groupe de survivre. Et puis il s'était assagi, ne parlant plus que des pays africains qu'il connaît encore un peu, ceux du Maghreb. Mais, tel un étron trop longtemps contenu, il se lâche brutalement : "on peut postuler que le continent ne peut se porter bien que si (les cinq plus grands pays d'Afrique) ou à tout le moins la majorité d'entre eux vont bien et sont sur le bon chemin. Est-ce le cas ?" La réponse est évidemment négative et le vieil "Africain dehors-Occidental dedans" appelle en fait les investisseurs étrangers à ne pas mettre un pieds dans le continent qui lui a donné le jour. Car sa diatribe (Jeune Afrique n°2822 du 8 au 14 février 2015, pages 3 et 4) commence justement par le constat (faux d'ailleurs) que les dits investisseurs commençaient à se ruer en Afrique. Partir de cette donnée, même si elle est inexacte, pour dire ensuite que l'Afrique va mal, c'est bel et bien décourager les étrangers d'investir en Afrique ! Et comme je l'ai mainte fois répété, c'est aussi un crime médiatique contre son ancien camp.
Mais voyons cela dans le détail puisque il y eut aussi une prof d'université, géographe et ex-humanitaire, à tenter elle aussi de gâter la sauce du décollage africain. Le père Ben Yahmed, lui, se contente de dire, sans aucune démonstration, que les 5 plus grands pays d'Afrique ne vont pas bien : Nigeria, Congo Kinshasa, Ethiopie, Egypte et Afrique du Sud. Ah, bon ?! Le Nigeria est en pleine effervescence économique, l'Ethiopie -dépourvue de toutes ressources naturelles autres qu'agricoles- connaît, selon les années, la croissance la plus forte du continent, l'Afrique du Sud reste le pays africain le plus riche et le plus développé, la RDC sort enfin des années de guerre qui lui ont été imposée par les Anglo-Saxons et seule l'Egypte pâtit encore de sa révolution manquée. Bref, la majorité des grands pays africains va bien et semble suivre le bon chemin. Qu'est-ce qui a pris à Ben Yahmed de recommencer à déconner ? L'âge ? La hargne contre un sous continent Noir qui, assez vite d'ailleurs, rattrape un Maghreb à la traîne ? Allez savoir ! On m'avait demandé de ménager dans mes écrits un homme à la vie finissante. ce à quoi j'avais répondu qu'il ne tenait qu'à lui de ne plus considérer les Subsahariens comme des sous-hommes...
Sylvie Brunel, de son côté, s'est auto proclamée spécialiste du développement (alors qu'elle n'est que géographe) parce qu'elle a effectué je ne sais combien de "missions humanitaires" en Afrique. Sa vision du développement est exactement celle du paysan du Larzac des années 1960, années de sa naissance, parce que, tout bêtement, il n'y a pas de missions "humanitaires" dans les grandes villes africaines : les Blancs vont en brousse pour soigner les petits ruraux et creuser des puits. Parfois, ils recueillent aussi les réfugiés des zones de guerre et croient tout savoir des récits de ces pauvres bougres maltraités. Bref, elle met en avant la misère résiduelle, forcément résiduelle, du développement comme démonstration de sa thèse de non développement. Etant plus âgé qu'elle, je me contenterai de lui rétorquer que le dernier bidonville français fut détruit dans les années 1970 par Chaban Delmas alors premier ministre de Pompidou. A leur place aujourd'hui trône le quartier de la Défense...
Les "humanitaires" sont les moins bien placés pour juger du développement réel d'un pays : ils n'en voient que les mauvais côtés et que les pauvres. C'est comme si l'on confiait le ministère français de l'Economie à feu l'abbé Pierre parce qu'il se préoccupa des sans logis... Sans compter que ces gens, les humanitaires, s'auto entretiennent dans le dénigrement des "autres", de ceux qui ne relèvent pas de leur magistère : parions que dame Brunel s'est adonnée très jeune à la lecture des écrits du "pape" de l'écologie française, le "professeur Dumont" (vous savez, comme le professeur Tournesol mais en moins drôle) Et son "Afrique est-elle si bien partie" me rappelle furieusement "L'Afrique est mal partie" de son très probable mentor.
Peut-être qu'il y a, dans tout ce faux tintamarre, la volonté nostalgique des anciens croque-morts du continent de ranimer la flamme de leurs anciens admirateurs : "j'avais raison et j'ai toujours raison !" Et ben non !! Vous aviez tort et vous continuez à avoir tort. Vous aviez tort hier en accusant crétinement les dirigeants africains de mauvaise gouvernance alors que vous ne leur avez jamais laissé le temps de réellement gouverner leurs pays ; et vous avez tort aujourd'hui de continuer à scruter les mêmes gouvernants qui n'ont plus aucune prise sur le développement qui accompagne leur gouvernance fantomatique : le Nigeria n'est plus guère gouverné, l'essor Boko Haram en est l'illustration. Et pourtant l'économie du pays s'emballe et les Africains y migrent par millions pour y trouver travail et, peut-être, richesse.
Si vous connaissiez réellement l'Afrique et son histoire, vous sauriez que le Subsaharien a toujours été mobile, qu'avant même que Rome naisse, il était capable de parcourir des milliers de kilomètres pour voir ailleurs si l'herbe y est plus verte. Et si vous étiez un tant soit peu économiste, vous sauriez que le développement, partout et de tous temps, suit des règles immuables dont l'exode rural et l'urbanisation font indiscutablement partie. Au nord, les Arabes sont restés figés et par leurs structures sociales, et par la nostalgie d'un passé qui ne reviendra pas. Songez qu'ils n'apprennent même pas à leurs enfants ce que furent les razzias, parce qu'ils ne le savaient pas eux-mêmes, ne l'ayant jamais appris de leurs parents et maîtres d'école ! Ce qui leur arrive aujourd'hui va, au mieux, leur faire prendre des décennies de retard d'évolution sur le reste du monde. Mais, de grâce, ce n'est pas parce que vous ne connaissez pas bien votre passé que vous devez polluer l'environnement médiatique des Africains non arabe.
Ce, pour Béchir. Pour Sylvie, ma foi, il n'y a guère d'espoir. Elle prendra sa retraite certaine d'être dans le vrai, comme tous ces Blancs qui conspuent les "Basanés" parce qu'ils ne les comprennent pas. Tout cela ruissèle de faux bon sentiments, tout cela est proprement écœurant. Mais ça n'a pas d'importance : l'Occident est sur son déclin et le point de vue de ses habitants a de moins en moins d'importance.
TEXTE / Christian d'Alayer (10/02/2015)
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