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Le Gri-Gri International

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Yannick II / par Grégory Protche

Publié par Gri-Gri International sur 12 Décembre 2014, 14:00pm

Catégories : #Rap Music, #Gos et Gars du moment, #Hommage

Yannick II / par Grégory Protche

Hier, suis allé à 10H à l'Institut médico-légal. La morgue des films. En ce mois de décembre qui ressemble à un mois de novembre, Simenon planait.

Ai-je convaincu Yannick de se mettre à Simenon ?

Plusieurs levées de corps étaient prévues. Pas au même moment, bien sûr. C'est pire, plus implacable : de demie heure en demie heure, les grappes d'inconsolables se succèdent, respectueusement. Partageant TOUT et rien en même temps.

Donc il meurt d'autres gens que ceux qu'on aime et pleure.

Parce que je vais pleurer. Je le sais. Quand j'étais jeune, je pleurais jamais. Depuis que je suis un homme, je pleure.

Je reconnais les membres de la belle-famille de Yannick, la branche turque. Les yeux et les cheveux noirs.

Les parents de Yannick sont sûrement là.

J'ose pas chercher à les reconnaître. Je sais que je n'aurais pas le courage d'aller leur parler.

Beaucoup de trentenaires.

Ça me fait plaisir, je sais pas pourquoi.

Sûrement des amis du lycée, de la fac, de l'école de journalisme, des forums hip-hop, des journaux auxquels il a collaborés.

En tout cas, de vrais amis.

Je commence à regarder mes chaussures.

Burcu.

Grande. Bottée. Les yeux rouges. Digne. Admirable.

On se tombe dans les bras.

Elle parle un peu, moi je peux pas. Je serre sa tête contre la mienne. Je l'écoute. Elle me remercie de les avoir faits se rencontrer. Si je pouvais ouvrir la bouche, je répondrais que moi je suis presque triste de les avoir faits se rencontrer si c'était pour que ça finisse comme ça.

Je ne comprends toujours pas la mort d'un jeune mec cool.

Encore moins qu'hier et avant-hier. Qu'est-ce que ça va être demain.

On se voyait pourtant peu. Pas besoin, d'une certaine façon. Ce type qui ne m'a jamais manqué commence déjà à être absent.

Burcu me remercie aussi pour le texte.

Un proche de Yannick que je ne connais pas m'a envoyé un mot sur facebook à propos du texte. Aimable, poli, regrettant, pour sa famille, en province, que j'ai évoqué dans un texte public le suicide.

Ai-je bien fait de dire la vérité.

Je trouve le suicide si violent.

Burcu retourne auprès des proches. Les larmes me coulent des yeux. Mon téléphone vibre. Texto de Pasto - au courant de rien et ne connaissant pas Yannick. Il est dans son natal Nanterre pour un examen médical. Lorsqu'on lui demande le nom de son médecin-traitant, ce con répond : Louis-Ferdinand Céline !

Je sais pas pourquoi, je trouve que ça va très bien avec le moment.

Je me rapproche du bâtiment. Me faisant croire que je vais réussir à entrer jusqu'à la chambre mortuaire pour aller me recueillir devant la dépouille, comme on dit. À peine ai-je mis un pied à l'intérieur que je rebrousse chemin. Impossible. J'ai un visage de Yannick en tête. Au soleil. Au printemps. Riant. Pas question de m'en graver un autre à jamais.

Sur le livre de condoléances, j'écris :

Tant pis pour nous but Get Busy, jeune con !
Grégory, pour Karim, Sear, Mano, Reijasse, Patrice et quelques autre
s.

Le corbillard se gare devant la porte. La portière arrière s'ouvre. Un coffrage métallique et dedans juste l'espace d'un cercueil. Juste derrière celui-ci qui sort du bâtiment, Burcu.
Callassienne. Pâle et éclatante à la fois. D'une noblesse.

Elle pleure sans sangloter en regardant droit devant elle.

Elle va faire quoi.

Ça fait quoi, ça devient quoi, une jeune femme de 30 ans qui vient de perdre son mari.

Je la rejoins. Je vais partir. Laisser les proches et familiers à leur peine.

- Tu te rappelles, le jour de notre mariage, on t'a envoyé un texto.
- Je l'ai toujours dans mon ancien téléphone.
- Tu vois, tu ne t'étais pas trompé. Ni sur moi, ni sur lui.
- Tu vas faire quoi ?

Quel con... pourquoi demander ça, maintenant. Innocente, elle m'a répondu factuellement :

- Je vais l'accompagner jusqu'à Grenoble. Être avec ses parents. Je vais écrire un texte pour le lui lire à l'enterrement.

Je l'ai embrassée sur le front.

Texte / Grégory Protche

PS : ce texte fait suite à un premier lisible ICI.

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