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Le Gri-Gri International

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Ces Français exécutés en Afrique que Paris ne pleure pas / Pierre Marziali (1)

Publié par Gri-Gri International sur 2 Novembre 2014, 10:00am

Catégories : #Libye 2011, #Politique

Ces Français exécutés en Afrique que Paris ne pleure pas / Pierre Marziali (1)

29 octobre 2014 | Par Fabrice Arfi et Karl Laske

En mai 2011, Pierre Marziali, un ancien militaire français reconverti dans le privé, est tué à Benghazi par des hommes cagoulés. Son associé et ami Robert Dulas raconte dans un livre, Mort pour la Françafrique (Stock), l’histoire de leurs contacts avec le régime libyen. À la tête de la société militaire privée Secopex, les deux hommes avaient recueilli en mars 2011 les aveux du premier ministre de Kadhafi sur l’argent remis aux Français sous la présidence Sarkozy.

Le feu vert est passé à l’orange puis au rouge, sans qu’il s’en aperçoive. Pierre Marziali, ancien militaire français de 48 ans reconverti dans le privé, a été abattu le 11 mai 2011, en pleine rue à Benghazi, par des hommes cagoulés, alors qu’il revenait d’un restaurant où il avait dîné avec quatre collaborateurs de la société militaire privée Secopex.

Officiellement, Marziali est un espion tué « par accident » par une brigade rebelle pendant la guerre en Libye, à la suite d’un contrôle routier qui aurait dégénéré. C’est du moins la version officielle communiquée par le Conseil national de transition (CNT). Insatisfaite par cette version laconique et incohérente, la veuve de l’ancien militaire a déposé une plainte à l’origine de l’ouverture d’une information judiciaire en septembre 2011, à Narbonne.

« On nous a ordonné de nous coucher par terre, a expliqué lors de l’enquête Pierre Martinet, un ancien camarade de Marziali, présent à Benghazi le jour du drame. Pierre était à ma gauche. J’ai entendu un coup de feu. Et Pierre m'a dit "je suis touché". Il ne s’est pas débattu. Il n’a rien dit, et n’a rien fait avant le coup de feu. J’ai fermé les yeux. J’attendais mon tour. J’avais les mains attachées dans le dos. Ils ont pris Pierre à deux. Il me semble avoir vu son ventre éclaté, ouvert. »

Depuis ses débuts, l’instruction bute sur l’inefficience de l’entraide judiciaire entre la Libye et la France. L’enquêteur du comité judiciaire local, en Libye, a été dans l’impossibilité d’obtenir de l’armée l’identification du tireur et de ses complices. L’exécution a été commise par des hommes cagoulés restés non identifiés, bien qu’ils se rattachent à la Brigade du 17 février, fondée par Abdelhakim Belhadj, l’ancien leader du groupe islamique combattant (GIC).

Trois ans plus tard, l’associé et ami de Marziali, Robert Dulas, a décidé de raconter dans un livre qui vient de paraître, Mort pour la Françafrique (Stock), l’histoire secrète de leurs contacts avec le régime libyen et de leur installation fatale à Benghazi. Dans un entretien à Mediapart, cet ancien conseiller du président ivoirien Robert Gueï ou du Centrafricain François Bozizé revient sur les circonstances de cette mort qui apparaît aujourd’hui comme l’un des épisodes les plus mystérieux, mais aussi les plus oubliés, de la guerre en Libye.

Pour lui, pas de doute : l’assassinat de Marziali a été « orienté » par la France. « Je vois mal par qui d’autre », dit-il. Robert Dulas raconte également à mots couverts comment avec Marziali ils ont recueilli, en mars 2011, les aveux du premier ministre Baghdadi al-Mahmoudi sur l’argent remis aux Français sous l’ancienne présidence. Il se dit prêt aujourd’hui à en témoigner devant la justice française, partie sur la trace des financements libyens de Nicolas Sarkozy. Pour lui, les motivations de la guerre en Libye relèvent d’« un grand mensonge ». « C’est la raison d’État. »

La mort de votre associé Pierre Marziali, le 11 mai 2011 à Benghazi, en Libye, a été un électrochoc pour vous. Pourquoi en avoir fait un livre ?
J’avais à cœur de réhabiliter la mémoire de Pierre. Il était mon associé, presque un fils spirituel, et j’avais décidé de lui passer la main. Je n’ai pas cru à la version initiale de sa mort. On a parlé d’un refus d’obtempérer à un barrage de police libyen. L’idée qu’il se soit rebellé à un contrôle ne lui correspondait pas du tout. Il a fait partie des forces spéciales et je l’ai vu dans des situations similaires : c’était quelqu’un qui savait garder son calme. Dès le départ, j’ai donc eu un doute.

À cela s’ajoute le fait que les deux personnes, proches de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la DCRI (le renseignement intérieur – ndlr), qui devaient l’accompagner, se sont désistées la nuit précédant sa mort. Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de risque pour Pierre, mais une fois que le malheur est arrivé, ça m’a bousculé. Dès le lendemain, j’ai eu un certain Vladimir Tozzi au téléphone (l’un des deux hommes qui devaient partir avec Marziali - ndlr) qui m’a dit : “Ils l’ont exécuté.”

Vous considérez aussi qu'il a été délibérément abattu ?
J’ai cherché à comprendre. Quand les quatre collaborateurs de Marziali sont rentrés de Libye, j’ai dû faire abstraction de mes sentiments pour les interroger comme un flic. J’ai posé les mêmes questions aux quatre. Le témoignage d’un prénommé Éric, l’un des employés de Secopex, m’a interpellé. Il n’avait pas de formation de militaire contrairement aux autres. C’était le commercial, qui était venu pour voir s’il y avait des contrats à signer.

La nuit des faits, Pierre et les autres revenaient du restaurant où ils avaient leurs habitudes à Benghazi. Plusieurs véhicules ont stoppé près d’eux. Les hommes qui sont sortis leur ont ordonné de se coucher par terre. Mais Éric s’est mis sur le dos, au lieu de se coucher sur le ventre comme les autres, et il a vu son agresseur qui lui a mis la mitraillette sur la gorge. Il m’a dit : “Le gars était cagoulé, j’avais ses yeux à un mètre des miens. Je le suppliais du regard de ne pas me tuer. Je me suis pissé dessus. À ce moment-là, un coup de feu est parti juste à côté, et les yeux du gars qui me braquait n’ont pas cillé. Il n’y a pas eu un bruit.” Si cela avait été une bavure, comme la thèse officielle le laisse entendre, il y aurait eu des réactions. Là, rien. Comme si c’était attendu. Et pourquoi étaient-ils cagoulés ? C’est la première fois qu’on a vu des gens du CNT cagoulés.

À suivre

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