4 ème partie d'un tableau paru initialement à Abidjan le 29/07/2014 dans les colonnes de notre confrère et camarade Le Nouveau Courrier (www.nouveaucourrier.net).
Le Nouveau Courrier (& Le Gri-Gri International ici) publie ici un texte particulièrement riche de A. Atchadé, qui révèle les dessous pas toujours très vertueux du monde des petits et grands soldats d'une justice internationale biaisée dès le commencement, et qui se fait aider par une puissante armada idéologique qui se pare d'indépendance pour se légitimer sans contestation auprès d'une opinion subjuguée par des promesses de lutte contre l'impunité largement mensongères. Un texte à conserver.
International Crisis Group
Une autre ONG de l’écurie Soros dont il est membre du comité tout comme Kofi Annan, Joschka Fischer et Javier Solana (encore lui) est l'International Crisis Group. Cette ONG reçoit des financements essentiellement de gouvernements – pour l'essentiel occidentaux, ainsi que de fondations Carnegie Corporation of New York, Humanity United, John D. and Catherine T. MacArthur Foundation (encore !), Open Society Foundations (encore !) , Rockefeller Brothers Fund, et de donateurs individuels dont George Soros. Son conseil consultatif compte des entreprises telles que Chevron et Shell.
Aujourd’hui le Conseil d’administration est co-présidé par Lord Mark Malloch-Brown [16], et Ghassan Salamé, dont il a déjà été question plus haut. Louise Arbour, ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et ancienne procureure générale des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, en était jusqu’à récemment la présidente-directrice générale. Elle a été remplacée par Jean-Marie Guéhenno un autre représentant de la galaxie onuesque puisqu’il fut Secrétaire général adjoint au Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU jusqu'en juillet 2008. Le Crisis Group fait le lien avec un autre versant de l’idéologie des droits de l’homme : la responsabilité de protéger.
Responsabilité de bombarder ?
Dans l’entourage d’Obama, on retrouve deux amazones guerrières : Samantha Power et Susan Rice. Cette dernière a été neutralisée mais a été promue Conseillère nationale à la sécurité. Samantha Power, aujourd’hui ambassadrice US auprès de l’ONU, est un «faucon humanitaire » : chez elle la baguette magique des droits de l’homme prend la forme d’un gourdin. Elle possède une foi inébranlable dans les vertus thérapeutiques de la guerre et des bombardements et dans leur capacité à sauver des civils. Pour elle, les bombardements de l'OTAN de Belgrade en 1999 ont été un succès exceptionnel qui « a probablement sauvé des centaines de milliers de vies ». Elle a été l’une des principales promotrices du bombardement « humanitaire » de la Libye.
George Soros a inlassablement promu la doctrine de la responsabilité de protéger (R2P) par le biais d’organisations qu'il préside ou finance, tels que le Centre mondial pour la responsabilité de protéger et le Centre Carr pour la politique des droits de l'homme. Inondées de l'argent de Soros, ces organisations ont joué un rôle déterminant dans l'uti- lisation de la R2P comme moyen de redéfinir le concept de souveraineté nationale. Kofi Annan, membre du conseil d'administration du Centre mondial et ancien Secrétaire géné- ral de l'ONU, a déclaré, « la souveraineté de l'Etat, dans son sens le plus élémentaire, est en cours de redéfinition - pas moins par les forces de la mondialisation et de la coopéra- tion internationale. »
Tom Roth, directeur exécutif d’HRW en est secrètement amoureux : pour lui Samantha Power était avant de partir à l’ONU « clairement la voix des droits de l'homme au sein de la Maison Blanche, et elle l'oreille d'Obama. »
Le fait que cette violence puisse être appuyée par une résolution de l’ONU (ou par la com- munauté internationale), ne la rend pas plus juste. Au contraire, l’instrumentalisation des droits de l’homme par ses apparatchiks et soi-disant supporters n’en est que plus appa- rente. Les élites de l'industrie des droits de l'homme ont été normalisées et corsetées dans les plis de la politique étrangère des États-Unis. Leur credo légitime le nouvel ordre mondial dont il épouse non seulement le vocabulaire mais aussi le positionnement idéologique. Ces intérêts institutionnalisés, ne se contentent plus de lamentations ou d’imprécations. Ils veulent rouler des mécaniques. D’où cette appropriation quasi exclusive de conflits. D’où la guerre au nom des droits de l’homme. Par le passé, les interventions militaires se faisaient pour sauver des régimes dictatoriaux et corrompus en Afrique. Maintenant on les installe au nom de la démocratie. Ouattara sera perçu pour toujours comme un président installé par l’étranger, et qui plus est par l’ancienne (et toujours présente) puissance coloniale.
La création de la CPI fut présentée comme un progrès du droit international. En réalité il s’agit avant tout d’échec de la paix, des mécanismes préventifs existants, internes ou internationaux, qui ont pour objet d’éviter les conflits et d’exclure la violence comme moyen de leur règlement. Dans un monde infecté par le poison du politique, ces intérêts bienveillants, injectent l’antidote du droit et de la morale. Entre piété compassionnelle et fétichisation des normes juridiques, les droits de l’homme ne sont plus un moyen mais une fin. Le monde est un monde binaire où les victimes (voire les bourreaux) deviennent des ombres dans une trame narrative qui ne leur appartient pas.
Et dans ce petit monde de la CPI, les ONG se jouent les scènes de l’excellence morale : l’éthique de conviction est préférée à l’efficacité politique même lorsque celle-ci est au service de la paix et d’une justice véritable. On peut aussi légitimement s’interroger sur le fait que ces associations « philanthropiques » à la Soros, Rockefeller, rejointes par Bill & Melinda Gates prônent toutes un eugénisme soft au nom de la lutte contre la pauvreté. Celle-ci n’est autre qu’une forme d’utopie technicienne, d’immaturité militante, marquée par la haine du corps social et ses imperfections.
L’ingérence des ONG peut être soupçonnée de viser depuis toujours les mêmes buts, puisqu’elle aboutit au même résultat : celui de paralyser les capacités internes de chaque société à régler ses conflits et à trouver ses réponses.
Texte / A. Atchade
[16] Journaliste et consultant en communication, qui fit un tour via la banque mondiale, le Programme des Nations Unis pour le Développement. Il est vice-président du Quantum Fund, le hedge fund spéculatif de George Soros. Et vice-président de l’Open Society Foundations.