La vraie
opposition
gabonaise ?
S’il y a bien une chose que notre opposition n’a pas révolutionné, c’est l’absence totale de surprise. Elle est tellement prévisible dans ses actes et dans ses réactions qu’on a l’impression qu’elle ne veut – ou ne peut – pas accéder au pouvoir. Cela est sans doute dû à une réalité bien de chez nous : à l'exception des leaders du Morena, du PGP et de l'UPG, l’opposition gabonaise, depuis 90, est essentiellement contrôlée par d'anciens apparatchiks du PDG qui, pour diverses raisons, ont été amenés peu ou prou à changer de bord politique. Certains ont véritablement basculé, alors que d'autres ont continué à servir sournoisement le pouvoir.
Apparemment, il est très difficile de se « déprogrammer » quand on a subi le formatage pédégiste. Pour preuve, tous les anciens du PDG aujourd’hui dans l’opposition ont conservé une culture politique propre au parti des masses, ou des nasses : le mythe du nom et des fonctions occupées, le culte de la personnalité, une conception monolithique des rapports au sein des partis, une propension au clientélisme et au paternalisme, une gestion par procuration de l'espace politique, une tendance quasi-viscérale à toujours essayer de reformer les anciens clans... Habitués à faire de la politique avec les moyens de l'Etat-PDG, ils ont du mal à imaginer des stratégies pour trouver des bailleurs de fonds ou tout simplement d’organiser les populations pour mobiliser des ressources. Résultat, quand ils y voient un intérêt personnel à l’action, ils puisent dans leurs propres deniers, plus ou moins mal acquis, et de ce fait, se considèrent comme les "propriétaires" du combat qu'ils mènent, quand ils ne se croient pas "propriétaires" des personnes qui travaillent avec eux. C’est à croire qu’ils ignorent qu’en démocratie, il n'y a ni maitre ni gourou, mais juste des camarades de lutte. Et que de ce fait, le leadership s’acquiert par le charisme, l'exemplarité, l'aptitude à rassembler, la capacité à se dépasser et à s'oublier.
Pour toutes ces raisons, et par-dessus tout, ils ont beaucoup de mal à accepter le débat contradictoire, même quand ils font semblant de vouloir discuter. Pour eux, les divergences d’approche politiques normales et nécessaires tournent rapidement au conflit personnel.
Dans ce contexte, l’appel lancé récemment par les Souverainistes au cours du Forum des Indignés du Gabon, pour une implantation réelle des partis politiques de l’opposition sur le terrain, apparaît comme un défi aux dirigeants de l’opposition plutôt que comme une contribution à dynamiter celle-ci. Demander d’opposer l’organisation des partis de l’opposition à l’organisation du parti au pouvoir est une exigence, une évidence qui saute aux yeux. Or, pour certains barons, le rappeler c’est mettre en doute leurs incontestables capacités.
L’opposition d’accompagnement et l’opposition molle composées en grande partie de femmes et d’hommes choisis hier par Albert Bernard Omar Bongo Ondimba, formatés à son école du monopartisme et de la pensée unique veulent à tout prix faire la politique par le haut, « une démocratie sans le peuple ». Les populations n’étant sollicitées qu’en période électorale. Nos hommes politiques gagneraient à s’imprégner pleinement de cette citation de Nelson Mandela : « tout que l’on fait pour nous, sans nous, est fait contre nous. »
Avec une vingtaine ou une trentaine de partis politiques, l’opposition reparle de son unité pour l’échéance 2016. De quelle unité parle-t-elle ? L’Unité des superstructures sans bases réelles ? Combien de partis sont réellement organisés sur le terrain pour pouvoir affirmer un apport effectif aux forces de l’opposition ? L’opposition pense-t-elle échapper aux lois immuables de la realpolitik ? A moins que, pour notre belle opposition, la realpolitik ait été changée en politique surréaliste.
Photo - dr Texte - Chaka Hama Zulu